ETE 2017

Saison 7 Episode 3  S7E03

Merci de votre participation au jeu des photos et des salades grecques.

Bravo à nos voisins de la Hak, comme ils se nomment eux-mêmes. Ils ont été les premiers à retrouver 2 des 3 herbes photographiées.Nouveaux venus dans le monde de la voile et déjà passionnés, heureux récents propriétaires d’un Dufour 44, à la coque polishée ! Une blague récurrente chez les voileux : les 2 plus beaux jours de la vie d’un capitaine sont le jour de l’achat de son bateau et le second, plus beau encore que le 1er, est le jour de sa revente ! Nous leur souhaitons de belles et bonnes navigations !

Photo 1 /

Gombos ou bamya ou cornes grecques

Les gombos, sorte de de cornichons allongés à la peau couverte de soies duveteuses, sont appelés en Grèce et aussi en Turquie, bamya ou cornes grecques.

 

 

 

Photo 2 /

feuilles de caprier

Les salades grecques typiques ( tomates, fêta, olives, concombres, oignons arrosées d’huile d’olive ) sont le plus souvent accompagnées  de câpres. Mais les Grecs mangent aussi les feuilles des câpriers, tendres et onctueuses.

Photo 3 /

Stifnos

Les grandes feuilles sont des stifnos, comestibles uniquement après cuisson, que l’on cuisine comme des blettes puis refroidies, humectées d’huile d’olive ou plus rarement chaudes, en légumes.

 

 

Crête en vue

Kriti, plus grande île de Grèce, frontière symbolique entre l’orient et l’occident, située à équidistance de l’Europe, de l’Asie mineure et de l’Afrique, avec 3 massifs montagneux qui occupent plus de la moitié du territoire, dont le Mont Ida, le point culminant à 2456m, qui vit du tourisme et de l’agriculture, 250 km d’est en ouest, 55km dans sa plus grande largeur, nous voila !

On contourne Nisis Dhia (Standia), île à 6 NM au NNE d’Heraklion, pour trouver un mouillage approprié sur la côte sud, mais les abris sont étroits, la protection du Meltem insuffisante, la baie réservée aux bateaux de pêche.

Nisis Dia

On laisse là le profil de Zeus que formerait la crête des montagnes de Dia et on file directement sur Héraklion, la capitale crétoise.

Crète en vue

Héraklion

On met les défenses à poste dans l’avant port. Sur le canal 16 de la VHF, pas de réponse des autorités portuaires. On laisse le fort vénitien construit au XVIe s.,le Koules, de son nom turc, sur notre tribord et on rentre dans le vieux bassin vénitien. Un homme à bord d’un voilier amarré, que l’on questionne, nous conseille de passer sur le canal 12. En effet, là, on nous invite à nous diriger sur le quai municipal dans l’avant port. On s’amarre à la grecque. Fabienne largue l’ancre à l’avant à environ 40m du quai  sur une ligne perpendiculaire au quai et poupe à quai. On recule en douceur, en relâchant de la chaîne. Un voileux français nous prend les aussières, nous le remercions et  discutons plus d’une heure avec lui, en partageant nos expériences grecques respectives, dans les îles ioniennes, les Cyclades, celles du Dodécanèse, le passage du canal de Corinthe. Autour de nous, sur ce quai, mouillent un motoryacht américain avec un couple d’équipage qui astique le bateau et sert les propriétaires, un Océanis 47 australien, un grand voilier racé avec équipage, au gréement  noir et au pavillon maltais, un voilier de 10m français, celui là-même qui nous a accueillis, un grand voilier sans pavillon, du nom d’Amir, en décrépitude, qui date peut-être de l’époque où des fortunes se faisaient en Grèce, d’avant la faillite du pays orchestrée par les banques menteuses.

Port vénitien d’Héraklion

Le quai est si élevé, qu’il est difficile d’y débarquer. On choisit d’aller en canoë dans le bassin vénitien et de l’amarrer le long d’un ponton entre 2 bateaux à moteur. On passe par le café La Marina, pour sortir du port vénitien.

Nous dînons au Syllogos Erasitechnon Aleion, qui s’appelle aussi Farotaverna, non loin de la capitainerie, avec vue sur notre voilier. Les tables laissent apparaître, sous une vitre, un décor de fonds marins avec coquillages et galets et donnent une jolie impression de profondeur qui contraste avec le bleu pimpant du mobilier.

Restaurant au nom à rallonge mais recommandé !

On est content de la cuisine, du tzatziki aux boulettes de courgettes agrémentées de yaourt frais aux herbes, à la seiche à l’encre, délicieusement préparée. Un verre de retsina, vin blanc sec,  accompagne notre premier repas crétois. Le dessert spontané composé de melon, de pastèque  et de petit gâteaux de semoule avec des grains de sésame est apporté avec une petite bouteille de tsikoudia, eau de vie crétoise à 45°, tirée du marc de raisin, qui descend directement dans l’estomac sans passer par la case saveur. La promenade digestive nous mène au bout de la longue digue. Le fort, le Koules, clôt la petite anse du vieux port et servait à protéger la ville des attaques ottomanes. Celle-ci ne tombera qu’en 1669, après un siège de 22 ans ! Coriaces et résistants les Crétois, est ce dû à leur régime ?

  • Le régime crétois

Etudié par les scientifiques et les nutritionnistes, et au vu de la longévité des Crétois, peu concernés par les problèmes cardiovasculaires, ce mode d’alimentation est composé de fruits et légumes frais en abondance, de viande en petite quantité, dont peu de viande rouge rare sur l’île, de céréales, de produits laitiers caprins et d’huile d’olive, la meilleure du monde.  Les matières grasses qu’ils absorbent sont issues exclusivement de l’huile d’olive vierge. Leur mode de vie joue aussi un rôle prépondérant dans leur bonne santé :  absence de stress, qualité de l’environnement, forte consommation d’herbes sauvages, de légumes et de fruits. Les aromates et les plantes médicinales, telles la sauge, l’origan et l’herbe de longévité : le diktame complètent cette saine alimentation. Le climat méditerranéen, favorable à la production d’une grande variété de fruits et légumes, contribue à la jouvence des habitants. Les massifs montagneux apportent suffisamment d’humidité  pour la culture des oliviers, vignes, caroubiers, bananiers, pêchers, orangers, melons et tomates. L’eau de source de Zaros ressemble à notre délicieuse eau auvergnate. L’olive et  l’huile, qui en est tirée, occupent les Crétois depuis plus de 3000 ans. Actuellement, sont dénombrés 35 millions d’oliviers sur l’île, 60 oliviers par habitant. Un arbre à pleine maturité, c’est à dire âgé de 15 à 3O ans donne 12kg d’olives tous les 2 ans dont on extrait 2 litres, autant dire la rareté et la préciosité de ce fameux liquide. L’isolement géographique de la Crète et l’impressionnante variété de son relief ont permis l’existence d’une flore endémique importante. Les plantes aromatiques et curatives sont ramassées dans la montagne, la plus rare le diktamon, appelée l’herbe des dieux dans l’Antiquité, pousse sur le mont Dikti, d’où son nom, dans des endroits tenus secrets et difficiles d’accès. Elle ne se consomme qu’en tisane. Homère, Aristote, Théophraste, dans son Histoire des Plantes, les botanistes Tournefort et Sieber, JK Rowling ont parlé de ses multiples bienfaits : elle contribuerait à la longévité, guérirait les céphalées, soulagerait la fatigue, stimulerait le rajeunissement et la digestion et possèderait des vertus aphrodisiaques. On en a fait provision. A une amie demandant à Fabienne si elle avait commencé à en boire, Fabienne répond qu’elle commencera à 80 ans pour augmenter sa longévité, sa résistance naturelle alliée aux produits de la nature lui font rêver de  siècle à fêter.  La décontraction des Crétois, dont la phrase revient sans cesse à nos oreilles, « siga, siga », soit « doucement, doucement » est difficile à acquérir, pour nous, qui malgré notre volonté de profiter des splendeurs méditerranéennes que nous croisons, n’arrivons pas à nous départir des horaires et du plan de visite à respecter, nous avons tant soif de culture et de nature à appréhender.

Le vieux bassin est rempli de caïques, de petits bateaux de pêche colorés. Le café La Marina ne désemplit pas de Grecs mais peu, voire pas de touristes, ni au restaurant, ni au café que nous traversons pour reprendre notre canoë. Tels des Indiens dans la nuit sur une eau parfaitement plate, nous rejoignons notre bateau, glissant sur l’eau noire,  et laissant juste entendre un léger clapotis des rames à la surface de l’eau. En revanche, Grecs et Italiens qui traînent  sur le quai, parlent fort et boivent, contrastant avec notre arrivée silencieuse à bord.

Le port n’est pas équipé pour la plaisance et ne propose pas même de sanitaires aux trop rares visiteurs maritimes.

Les cheveux de Fabienne saturés de sel poissent, les corps avec la poussière du port, les couches successives de crème solaire, le sel collant à la peau, auraient bien besoin d’une longue douche d’eau douce. En attendant, on se contente de toilette économe en eau à la douchette dans la salle d’eau et de lingettes pour parfaire la toilette.

On décide de louer une voiture pour voir la Crète d’un peu plus près. On passe devant les arsenaux désertés et peut être en cours de réhabilitation ici appelés neoria. Les Vénitiens y construisaient les galéasses, à présent, ces ex chantiers navals donnent sur la rue et non plus directement sur la mer et attendent  d’être restaurés.Dans la rue du 25 Aout, date d’une grande fête religieuse à Héraklion en l’honneur d’Agios Titos, le premier évêque de l’île, les échoppes de loueurs de voiture et de produits tirés de l’olivier se succèdent. Les loueurs les plus près du port sont les plus chers. Dans une petite rue perpendiculaire, on teste un 5ème loueur, recommandé par le Petit Futé, bingo, on paye une partie en Carte Bancaire, indispensable pour l’assurance incluse et une partie en espèces pour avoir le sourire du loueur et un bon prix. Pour info, on recommande Blue Sea, 5-7, Kosma Zotou street, Iraklion. Une Fiat 600 avec clim fera l’affaire.

  • Au temps des Minos

En route pour les Palais minoëns, de Knossos et de Phaïstos.

 

 

On traverse la capitale sans charme, bétonnée  mais vivante, car le palais de Knossos, le Labyrinthe de la mythologie, de labris : double hache, symbole du pouvoir et inthos: maison, est à 5 km du port. 

Palais de Knossos
Palais de Phaïstos

Le palais de Phaïstos, quant à lui, domine une colline, face à la plaine fertile de la Messara, au sud de la rivière Géropotamos.

Les premiers Crétois arrivent de Palestine et d’Anatolie et introduisent l’élevage et la culture de céréales et de légumes.

Règnent les rois Minos successifs, maîtres de la mer. Leur flotte leur tient lieu de fortifications. La civilisation minoenne, plus importante civilisation de l’âge du bronze en Méditerranée, grâce à sa marine, étend sa domination du 3eme millénaire avant JC, jusqu’à sa disparition progressive vers 1100 avant JC.

Cette ancienne civilisation européenne se confond avec la mythologie. Sa sophistication et son organisation l’amènent à commercer dans toute la Méditerranée.

Un archéologue anglais du XIXème siècle, Sir Arthur Evans, controversé dans son entreprise de restauration, a réinterprété le site de Knossos, avec force peinture puisée dans la palette des couleurs et pigments crétois, rouge, ocre et noir. 

C’est un peu le Violet Leduc de la Crète, dénigré mais permettant aux yeux des visiteurs actuels de faire revivre les ruines. Il a placé à partir des fragments originaux retrouvés sur le site et visibles dans le magnifique Musée archéologique, des copies des fresques polychromes.

  

D’ailleurs, à l’entrée du palais, pour 1 € de plus, un billet couplé est vendu pour les 2 entrées, palais et musée, parfaitement complémentaires. La visite de ces 2 lieux permet à notre imagination de voir défiler devant nos yeux roi, princes et princesses, esclaves, artisans et commerçants.

Le livre de Nikos Kazantzakis, « Dans le palais de Minos », nous plonge dans cet univers mythique. 

Le site, écrasé de soleil,  bien explicité, nous fait remonter à la construction du premier palais vers 1900 avant JC, alors centre religieux et politique de l’île.

A sa destruction, vers 1700 av JC, due probablement  à une série de séismes, succède une reconstruction jointe à une expansion économique et culturelle, de 1700 à 1450 av JC, l’âge d’or de la civilisation minoenne.

Du XV ème siècle au XII ème avant JC, peut être victime d’une mystérieuse catastrophe, de l’éruption volcanique de Thyra, devenue Santorin qui aurait provoqué un tsunami dans la partie centrale de la Crète, avec le déferlement de  trois vagues successives d’une vingtaine de mètres de hauteur pénétrant sur des centaines de mètres à l’intérieur de la Crète ou bien de  l’invasion des Mycéniens, le palais s’effondre et avec lui, le culte de la déesse mère, remplacé par l’introduction des dieux grecs Zeus, Poseidon, Hera, Athena.

Avec l’arrivée des Doriens, ces géants blonds venant de la région danubienne, qui  incinèrent leurs morts, utilisent  le fer, portent des vêtements à broches, et ornent leur poterie de décor géométrique, c’en est fini de l’éblouissement de l’époque minoenne.  

Les palais minoens  sont bâtis sur le même modèle architectural, ils constituent une véritable ville et des centaines de personnes y vivent. Hauts de 2 étages ou plus, les palais de cette époque ont un aspect similaire. Autour d’une grande cour centrale dallée, ils forment un ensemble complexe de batiments enchevêtrés et  d’escaliers.  On est époustouflé devant les symboles présents, double hache et cornes de taureau, emblème des rois Minos, disséminés en statue gigantesque et en guise de créneau.

Le palais est une merveille de technique et d’esthétique : première architecture domestique et funéraire, système d’égout et d’approvisionnement en eau, Fabienne ne peut s’empêcher de penser à son amie randonneuse friande d’explications quant à ces systèmes de citernes et conduits (elle se reconnaîtra), murs ornés de fresques polychromes,

 

 

 

 

trône en bois sculpté et en albâtre, colonnes en bois de cyprès, puits de lumière,

 

 

 

jarres géantes, appelés pitoî ,pour l’huile d’olive et les céréales, théâtre et jeu d’échec, objets en ivoire provenant d’Egypte, de Troie, d’Orient, élégantes céramiques, sceaux gravés dans l’améthyste, l’agate, le cristal de roche, dans des pierres semi précieuses,

 

 

 

petites figurines  en ivoire, en bronze et en chryséléphantine, ces plaques d’ivoire et d’or, assemblées sur une structure en bois, bijoux en or : bagues, colliers et boucles d’oreille,

 

 

 

 

manches d’épées retrouvées dans les tombes.

 

 

Ces trésors prouvent le raffinement des artistes : des vases en porphyrite ornés de représentations en relief, des céramiques ornées de motifs végétaux ou marins,

disque de Phaïstos

 

 

 

 

le disque de Phaistos, à l’écriture en spirale encore indéchiffrée,

 

 

rhyton

le  rhyton aux cornes d’or, ce vase en terre cuite, sous forme d’une corne à une anse comportant une ouverture par laquelle le vin s’écoule et dont l’extrémité se termine par une tête de taureau aux cornes d’or, le pendentif aux abeilles,

 

 

 

déesse aux serpents

la déesse aux serpents.   

Comment a t-on pu connaitre  avec autant de précision cette civilisation, la lumière du monde ? Les auteurs antiques sont une source précieuse pour la reconstitution de cette période.

La mythologie raconte que Zeus, soustrait par sa mère Rhéa, à l’appétit de son père Cronos, est caché et élevé par des nymphes dans une grotte sur le Mont Ida. Métamorphosé en taureau, Zeus enlève Europe. De leur union naît Minos et ses frères, Radhamante et Sarpédon. Tous les 9 ans, Minos, roi de Crète, reçoit les ordres de son père pour administrer la Crète.

Platon parle des impôts dont Minos accable les Athéniens. C’est peut-être une référence à la légende de Thésée, qui, aidé de la fille du roi Minos, Ariane, délivre Athènes du devoir  de sacrifice des 7 jeunes gens et des 7 jeunes filles. Ce tribut  imposé tous les 7 ans, par la toute puissante dynastie minoenne sur la mer Egée cesse lorsque Thésée tue le Minotaure, au corps d’ homme et à la tête de  taureau, monstre  issu de l’union contre nature de Pasiphaé, épouse de Minos et d’un taureau.

Taureaukathapsie, danse du taureau *

*à ce sujet, La Danse du taureau de Mary Renault


taureaufolie  taureaulogie. 

 

 

 

 

taureauphilie

Aristote et Thucydide parlent de thalassocratie, puissance politique fondée sur la domination de la mer, où le pouvoir est tenu par des chefs puissants et une stricte hiérarchie.

 

Les propriétaires fonciers locaux, qui entretiennent les cultures d’ olives, d’huile, de raisin et de vin, de céréales et de légumineuses encadrent le palais, centre religieux, économique, politique et administratif. 

 

Les tablettes, plus de 3000 retrouvées en écriture hiéroglyphe puis linéaire renseignent sur les  échanges commerciaux avec les pays alentour et atteste de l’expansion commerciale des Minoens. Les matières premières, bronze, étain, ivoire sont importées,  le  cuivre provient de Chypre, l’or d’Egypte, l’argent et l’obsidienne des Cyclades. Les objets de luxe, armes, étoffes, chaussures et bijoux  sont manufacturés dans les ateliers des palais et largement exportés.

Homère témoigne de l’importance de la Crète en précisant que l’île, en fournissant 80 navires, est  un des plus gros contributeur  à la guerre de Troie.

Pline, Strabon, Diodorre de Sicile témoignent dans leurs écrits de la place prédominante de la Crète en mer Méditerranée.

De déambuler dans ce palais émeut tant Fabienne que les larmes lui viennent aux yeux. Etre là au milieu de ce complexe royal, de ces maisons adjacentes, de ces anciens ateliers de potiers, de presse d’imprimerie, de forge, des échoppes d’artisans du cuir, d’artistes sculpteurs, céramistes, orfèvres, tisserands, des magasins de stockage,

   des appartements royaux nommés mégarons, de la cour centrale, du théâtre, de cet ensemble ceint encore aujourd’hui de végétation dense renvoie au sentiment de puissance des Crétois d’alors, à leur suprématie culturelle et technique sur les autres peuples méditerranéens.

Nous déjeunons à l’Agora, un mezedopoleio, dans une ruelle d’Ano (haut) Archanes. Notre menu se compose :

  • de kokli, escargots de montagne au romarin,  excellents, dit-on ici, contre les maladies cardiaques,

 

 

 

 

 

  • de ladera de thon, tranche hypersalée, ladera désigne les plats qui baignent dans une sauce où domine l’huile d’olive,
  • de dakos, pain d’orge rassis trempé dans de l’huile d’olive et garni de tomates fraiches,
  • de féta émietté et saupoudré d’origan,

 

 

 

  • de stamnagathi,  de stamna: cruche et agathi: épine.  Lorsque les crétois  allaient remplir leur cruche d’eau, ils  en bouchaient l’orifice avec les pieds de cette plante pour éviter que la poussière, les insectes et autres animaux indésirables  ne viennent souiller l’eau. C’est une variété de pissenlit, aux feuilles protégées par des épines de la famille des chicorées, au léger gout amer, consommée crue ou bouillie et assaisonnée d’huile et de citron,
  • de keftedes, boulettes de viande hachée et de courgette râpée, farinées et frites dans l’huile,
  • le tout arrosé copieusement d’eau de Zaros.

Nous quittons le restaurant avant même que la restauratrice ne nous apporte le dessert, toujours offert gracieusement, tant nous sommes repus.

En voulant prendre un raccourci, on se perd dans la montagne, les routes goudronnées se transforment en chemins caillouteux, seule la voix synthétique de Miss Google Map nous indique des noms d’avenues inexistantes. Les champs d’oliviers et les vignes s’alternent, parfaitement ordonnés et alignés. Ici, on bichonne l’olivier, depuis l’Antiquité. Arbre sacré, symbole de paix et de gloire, dans les plaines, les « lianès » sont les olives fines destinées à la production d’huile, sur les montagnes, les « tsounates »  fournissent les olives qui  après une préparation pour extraire le jus amer du fruit, seront comestibles.

On aperçoit quelques éoliennes en haut des collines mais pas de panneau solaire, pourtant le soleil frappe fort. On croise quelques troupeaux de moutons et de chèvres puis la terre cède la place au précipice et à la rocaille.

Patrick fait grimper la Fiat, mais zigzague entre les rochers qui s’accumulent à mesure que l’on gravit la montagne. Comme David Vincent, référence qui renseigne sur notre âge et les feuilletons télévisés que l’on regardait enfant, on ne trouva jamais de raccourci et en guise d’envahisseurs, seul un Crétois, éberlué de nous voir au milieu de nulle part, nous incite fortement à redescendre par où nous étions montés, en nous bloquant la route avec son 4X4, plus pour nous protéger que pour nous gêner.

  • Au temps des Hippies

A force d’errer de village en village, sans indication, on  finit par retrouver une route principale qui nous mène, le temps d’une baignade, à Matala, dans le golfe de Messara.

 

Hakuna… Matala !

Retour aux seventies, peace and love et  fleurs sur les fresques murales. On entend parler français partout, on s’installe sur la belle plage de sable blond.

 

 

Dédicace à Samuel

En nageant pour la première fois en mer de Libye, on admire les cavités dans la falaise qui surplombe la plage. Les Romains les ont creusées pour les sépultures de leurs morts. Bob Dylan et Cat Stevens y ont passé avec d’autres hippies des soirées allumées ! A présent, elles sont interdites d’accès mais éclairées toute la nuit. Prudents, nous avions emporté shampoing et gel douche pour profiter des douches de plage mais nous ne sommes pas les seuls à avoir eu cette idée et un panneau placé sous la douche indique que tout produit de bain est interdit car l’évacuation de l’eau usée va directement à la mer. Si c’est pour une raison écologique, on se satisfait de l’eau douce qui rince quand même nos corps et cheveux saturés de sel.

De retour à Héraklion, on choisit de dîner à l’Erganos, d’une salade d’herbes sauvages, d’arni ofto, agneau embroché cuit en rond autour des braises de la cheminée, de stifado de chèvre, un succulent ragout de chèvre à la tomate où l’on sent le thym que les chèvres ont mangé. Le dessert servi d’office, séduit Patrick  qui se régale de la pastèque et d’une sorte de gâteau génois spongieux trempé dans un sirop de sucre. Le serveur nous apprend en nous servant  la traditionnelle tsikoudia, qu’en cataplasme, cet alcool guérit des bronchites ! Un concert  de variété grecque en contrebas du restaurant, nous attire  au théâtre de plein air Nikos Kazantzakis. Salle comble et ambiance garantie avec les spectateurs qui reprennent en choeur les chansons. A défaut de connaître ces airs et le grec, on tape dans nos mains pour participer à la liesse générale.

 

 

  • En route vers l’est

Notre périple de visites continue. A bord de notre Fiat, nous filons vers l’est et faisons une première halte à Plaka.

Spinalonga

Un ferry en bois peint nous emmène à 10 minutes de là, sur l’île de Spinalonga, l’île que  Victoria Hishlop a rendu célèbre grâce à son livre « L’île des oubliés ». L’île, à présent déserte, fortifiée de tous côtés par les Vénitiens au XVIème siècle a résisté aux Ottomans jusqu’en 1715, rédition obtenue par traité. Cette longue presqu’île aride et inhabitée était rattachée jadis à la côte par l’isthme de Poros, qui fut percé en 1897 par des marins français, ce qui en fit donc une île. Elle devient léproserie de 1903 à 1957. L’eau limpide qui l’entoure passe du saphir à l’outremer. Débarqués sur l’île, nous grimpons jusqu’au bastion, marchons  sur la crête, redescendons par les bâtiments, édifiés pour l’hébergement des gardes vénitiens, réhaussés par les Turcs pour leurs colons, transformés en logements, hôpital et commerces par les réfugiés atteints de la lèpre. Nikos Kazantzakis y fait également référence dans « Le Christ recrucifié ».

Au bord de Limni Voulismeni, un lac relié au port par un chenal depuis 1870, on déjeune de saucisses crétoises, spécialités si l’on en croit la carte du Ntakos, et de yaourt au miel/pastèque, en laissant la tsikoudia. On se demande ce qui a pu passer par la tête du maire d’Agios Nikolaos quand il a choisi de transformer en eau salée, ce lac d’eau douce, ceint à présent de restaurants. Les réflexions et les décisions de certains édiles nous sont incompréhensibles, à moins que des intérêts privés …

La route, montagnarde et sinueuse, qui sera transformée un jour en autoroute, est bordée de lauriers rouges, roses et blancs. Elle longe le plateau du Lassithi, verger de la Crête, cuvette fertile au creux des montagnes. Les archéologues y ont  retrouvé des squelettes d’hippopotames nains, d’éléphants nains, de cerfs nains. Il y a 130 000 ans, on pouvait atteindre l’ile en pirogue depuis le Péloponnèse. Zeus y aurait grandi dans une grotte à l’abri de la fureur de Cronos. On aperçoit épars quelques cyprès, la Crète en était couverte et ce bois a servi aux Minoens pour la construction navale. A l’époque romaine, la déforestation était déjà bien avancée. On surplombe Gournia, une ancienne cité minoenne, située au point le plus étroit de la Crète.

La route est de plus en plus tortueuse et on se demande si on arrivera avant la fermeture à notre destination: le monastère Toplou, Près de Sitia et ses plages collées à la route,  nous remarquons des caroubiers, des cèdres et des palmiers puis la montagne nous happe à nouveau.

Au détour des virages, vue plongeante sur la mer, la forteresse du monastère apparait. Plus de 2h30 pour faire une centaine de kilomètres ! Patrick accélère, on arrive avant la fermeture ! On se gare près d’un ancien moulin à vent, qui  ne conserve que ses ailes dépouillées de ses toiles blanches.

Patrick n’est pas impressionné par « La grandeur de Dieu », icône géante de 1770, de l’artiste crétois Ioannis Komaros. Fabienne essaie d’identifier, parmi les 61 scènes bibliques, les personnages et les situations. Par une cour pavée, on pénètre  à l’intérieur du monastère, moitié église, moitié musée de l’histoire de la résistance crétoise avec armes exposées, datant de la 2nde guerre mondiale. Etonnants Crétois ! On se régale  dans la boutique très bien achalandée du monastère, avec des livres en français sur les herbes de la Crète, la flore crétoise, les oiseaux rapaces, l’histoire encyclopédique, l’orthodoxie.

Sur le chemin du retour vers Héraklion, la chaleur aidant, on choisit de s’arrêter à la plage de Platani, la bien nommée puisqu’y poussent des platanes aux feuilles rabougries en comparaison de nos platanes français, l’arbre préféré de Fabienne. Les galets blancs s’entrechoquent sous la pression du vent et du ressac de la mer. La taverna, petit comptoir en bois, ne propose ni boisson, ni nourriture, 3 hommes y sont accoudés, désœuvrés. On rejoint la route principale non sans remarquer quelques immeubles abandonnés en cours de construction, en bordure de plage, qui auraient pu devenir des complexes hôteliers, y a  t-il encore des investisseurs en Grèce ? La nuit tombant, Fabienne prend le volant pour rallier le port d’attache crétois.

  • Retour à la capitale

A pied, on entreprend de visiter la capitale, Chandax de l’arabe « fossé », que les Sarrasins creusent autour de la capitale au IXème siècle ou Chandakas, Candia  pour les  vénitiens,  Kandak pour les Turcs, Iraklion ou Héraklion.

Cela fait du bien de marcher un peu, même en ville, après les heures passées en voiture ! En longeant le front de mer, aux boutiques et musées fermés, dimanche oblige, on parvient jusqu’au musée d’histoire naturelle où un brachiosaure animé et un tricératops grandeur nature portent leurs yeux vers la mer, l’âme automate au regard triste. On ne verra pas non plus les 2 seules oeuvres du Gréco, né à Candia à la fin du XVIème s. On se rattrapera au Louvre à la rentrée.

Qui voit lion pense Venise
En crétois,OXI, c’est NON

On se balade à l’époque vénitienne entre loggia et fontaine Morosini, on se fournit en herbes aromatiques et surtout en diktame et en bois d’olivier, dans les boutiques de  la rue piétonne au nom d’année, 1866, début de la révolte crétoise contre les Turcs. 

 

 

 

Rethymnon

Lorsque nous  levons l’ancre et  larguons les amarres, nous apercevons pour la première fois, depuis notre arrivée en Grèce, des nuages dans le ciel. A chaque cap passé, le vent s’accentue, on navigue sous trinquette avec 2 ris dans la Grand Voile. La mer a perdu sa couleur saphir pour passer du bleu pétrole au gris. Des  stratus et des cumulus noirs s’amoncellent au dessus du mont Ida. Un voilier est parti en même temps que nous vers Nisos Dia. Depuis, nous naviguons seuls le long de la côte vers l’ouest. La mer est hachée et Patrick, nauséeux. Fabienne continue sa couture du taud et surveille régulièrement l’horizon et la côte, pas même un bateau de pêche en vue.

La marina affichée dans notre guide de navigation est en fait juste un port avec quelques catways, petit appontement flottant. Personne ne répond à la VHF, canal 16 ou 12, on repère une pendille sur bouée, Fabienne l’attrape avec la gaffe tandis que Patrick s’approche du quai. Un jeune homme sur le voilier voisin, l’Omarian , venant d’Arabie, nous dit-il, nous prend les amarres. A bord rient des femmes voilées et des enfants. Des postes à eau et à électricité devenus vieux avant d’avoir été mis en service sont inutilisables. Le voilier aux défenses noires battant pavillon maltais qui nous jouxtait à Héraklion arrive et erre dans le port avant de s’amarrer sans aide au quai extérieur.

Après renseignement à la capitainerie, des douches sont accessibles, un luxe pour nous devenu nécessité pour notre bien-être. En mer, lorsque celle-ci nous le permet, on peut se baigner avec la douchette d’eau douce, sur la jupe arrière du bateau mais au port, on se contente d’une toilette dans notre salle de bains, qui n’est pas aussi spacieuse, ni aussi pratique qu’une douche terrestre ! En revanche, on ne parvient pas à capter de réseau internet.

  • Vestiges vénitiens et turcs

Le bon vent nous fait arriver assez tôt pour commencer notre balade dans la coquette ville. Les serveurs des restaurants du port vénitien nous alpaguent. Les cigales de mer aux étalages des restaurants du port vénitien nous attirent mais il est trop tôt pour dîner. Le  phare solitaire désormais hors d’usage ne veille plus sur le port. Il date de la période ottomane ( 1669- 1898). Mehmet Ali, fondateur de la famille Farouk d’Egypte, l’a fait ériger durant son mandat de gouverneur de l’île. 

 

On monte à la forteresse vénitienne, la Fortezza, qui date du XVIème, on se croirait dans une oasis maghrébine.

 

 

Nous empruntons les ruelles de la vieille ville, nous aspergeons à la  fontaine Rimondi, et ses 3 gueules de lion, symbole vénitien.

 

 

 

 

 

Nous découvrons de jolis hôtels nichés dans les passages, des maisons à 2 étages aux portes colorées et dominées par des balcons en bois sculpté ou en fer forgé, de jolies boutiques à touristes. Tout est plus propre et plus harmonieux qu’Héraklion. Nous sommes tout de même étonnés de voir que la loggia vénitienne où les nobles vénitiens se réunissaient pour discuter politique et économie de la ville est devenue une boutique, aux arcades vitrées.

 

 

 

 

 

 

 

Nous sortons de la vieille ville par la porte Guora et tombons d’admiration devant  une échoppe de lyres et de bouzoukis, dans laquelle le luthier, Papalexakis,  travaille les bois de noyer, de mûrier ou de rosier pour parvenir à créer des instruments aux sonorités variées.

 

 

 

 

 

Une autre boutique attire notre attention, celle du sculpteur sur bois, Nikos Sigaras. Il creuse, polit, sculpte et cisèle les bois de citronnier, caroubier, eucalyptus, noyer et olivier de Crète pour les transformer en vases, bagues, coupes, calices, tableaux. Il nous parle de sa passion et nous explique que dans les autres boutiques, l’olivier travaillé provient de Tunisie. Il espère convaincre la chambre de commerce de créer un label, « bois d’olivier de Crète », ce qui donnerait à son travail et à son art ses lettres de noblesse. Nous ressortons du magasin avec un anneau et des bouchons pour nos enfants, amateurs de bonnes bouteilles et de jolies tables.

Nous rejoignons le musée paléontologique, où se tient un concert de musique grecque, un mix entre tradition et contemporanéité. Nous avons le temps d’admirer la cour de cette ancienne école coranique du XVIIème et son minaret, le plus vieux de la ville, en attendant les musiciens  car le concert commence une heure plus tard que prévu mais nous sommes en Crète. « Siga, siga ». Synthé, guitare, lyre crétoise et violon s’harmonisent dans des airs pour nous, si modernes qu’ils nous semblent discordants puis ils se rejoignent, s’accordent  et nous tombons sous le charme des mélodies et des virtuoses. Les solos sont aussi de grands moments d’expression, de don des artistes qui parviennent à susciter en nous de fortes sensations, véritable contagion émotionnelle. Nous sortons conquis et heureux d’avoir pu tâter de l’oreille l’évolution d’une certaine musique grecque.

  • Randonnée dans les gorges de Samaria

Une pluie torrentielle lave le pont durant 2 heures nocturnes, la température tombe à 25°C. Nous choisissons de randonner dans les gorges de Samaria.Nous n’avons ni baskets, ni chaussures de rando, mais 2 paires de chaussettes dans nos sandales de rando, achetées au Vieux Campeur, notre boutique de matériel sportif favorite, nous suffisent. Patrick s’équipe en Mars et en Twix, en cas de faiblesse de tonus. En bus, on longe une côte déchiquetée, Bretagne ou pointe des châteaux en Guadeloupe, les vagues claquent sur les rochers. Puis, dans la baie d’Almiros, une longue plage de sable fin et blond borde la mer devenue vert d’eau, un peu grisée. Palmiers, lauriers et roseaux s’alternent entre les complexes hôteliers, aux consonances  tantôt grecques , Mythos, Delphos, tantôt anglaises, Summer Land ou Beach Bar. En laissant Chania au nord, le bus prend la route d’Oumalos, où les orangers s’alignent en champs.

A l’entrée du Parc National de Samaria, nous louons un bâton chacun. Nous démarrons à 1200mètres d’altitude par une longue descente, aménagée en escalier de pierre. Nous sommes nombreux au départ du chemin, nous marchons les uns derrière les autres. Il est difficile de suivre son rythme propre dans ces conditions mais très vite, de panoramas en sources, où l’on peut s’abreuver et où stationnent des gardes forestiers, les espaces entre les randonneurs s’étirent et nous trouvons une cadence plus efficace et agréable. Patrick a du mal, mais parvient à s’accrocher au rythme soutenu de la marche de Fabienne, sic Patrick.

Le sentier continue en forêt jusqu’à une chapelle, 1h30 s’est écoulée depuis le début de la rando, pour 4 km de descente. Nous apercevons, non loin des sources qui se succèdent au fil de la piste, des kri-kri, chèvres sauvages crétoises, à la ligne foncée suivant leur colonne vertébrale. Le chemin moins abrupt serpente autour de la rivière à travers un paysage forestier, jusqu’au village de Samaria, abandonné depuis 1962. Après une pause amandes et oeufs durs complétés par des gâteaux fait bateau pour Patrick, nous enjambons la rivière, par des ponts de bois. 

Nous zigzagons sur les éboulis, dans le lit de la rivière, jusqu’à atteindre l’endroit le plus étroit de la gorge, les sideroportes, les portes de fer, gigantesques plis géologiques, sur lesquels quelques fleurs sauvages s’accrochent et où, à coup sûr, notre fils Lazare, étudiant en géologie, saurait dénicher des fossiles.

Nous arrivons à 14h30, à la sortie du Parc et nous désaltérons avec d’un jus d’orange, pressé devant nous. Moins de 6 heures nous ont suffit pour parcourir les 16 km de descente entre montagne, forêt et rivière et nous attabler dans le village d’Agio Roumeli, pour déguster poulpe et calamar entier grillé, notre tzatziki coutumière et une salade d’herbes sauvages.

Après une baignade en mer de Lybie et une sieste sur la plage d’Agio Roumeli, nous prenons un ferry qui nous emmène à Sfakia.

 

 

 

 

Loutro

L’arrêt à Loutro nous permet d’apprécier ce tout petit village, enclavé dans les montagnes, uniquement accessible par la mer, aux petites maisons d’une blancheur immaculée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A Sfakia, appelé aussi Chora Sfakion, nous prenons un bus qui nous ramène à Rethymnon.

En chemin vers la marina, on se laisse tenter par les pains chez Kallitechniko Artopoieio, en forme de cygnes, fleurs, dauphins, dinosaures ou rosaces, plus jolis et plus chers que bons.

 

 

Nous nous entraînons sur le large front de mer qui borde le port, aux côtés d’ enfants qui eux s’entraînent  en rollers, avec leur club. C’est un vrai plaisir, ces trottinettes. Elles montent jusqu’à 33km/h, sont très stables et très maniables. Quel gain de temps lorsque nous nous déplaçons en ville. Certes, on ne passe pas inaperçu. Voitures et piétons ralentissent ou s’arrêtent pour nous regarder passer sur nos engins. Qui plus est, le soir venu, l’Eleftheriou Venizelou, entre plage et restaurants, est fermée à la circulation. Cette avenue porte le nom de cet homme politique, artisan de l’Enosis, qui a mené au rattachement de la Crète à la Grèce, en 1913. On serpente entre les piétons, en revenant du cybercafé, où l’on pu skyper avec nos enfants, dans une ambiance musicale techno aux décibels exaltés, en buvant du Prosecco et en goûtant un assortiment de fromages crétois. Siga, siga.

Chania

L’avitaillement fait, la météo clémente, on continue vers l’ouest notre cabotage.

La houle est courte, le bateau roule d’un bord à l’autre. Les nuages se sont envolés au-dessus du mont Lefka Ori, les montagnes blanches. Le ciel est bleu grisé. Le vent s’accélère, au passage de la presque’ile d’Akrotiri comme à tout passage de cap, puis s’affaiblit dans la baie de Chania, prononcez Rrania.

Nous pénétrons dans le vieux port, entre la forteresse de Firka à notre tribord, construite par les Vénitiens, au XVIIème, et le phare à notre bâbord, restauré en 1830, sous l’administration égyptienne. De port en port, on navigue entre les dominations vénitienne et ottomane. Pour l’heure, nous ne sommes occupés qu’à trouver une place pour Opale. Sans réponse à la VHF, nous avançons vers le port vénitien. Nous sommes distraits par une  tortue, de près de 80 cm de diamètre, qui fait la roue à l’étrave puis plonge dans les eaux du port. Force est de constater qu’il n’y pas une seule place où se glisser.

Nous  repérons  un voilier, suffisamment long pour accueillir un bord d’Opale et sur lequel nous nous mettons à couple. On est content de notre manoeuvre. Patrick réussit parfaitement à accoler le flanc de notre voilier contre celui amarré à quai. Fabienne aborde le navire désert, en toute courtoisie, pour s’amarrer au quai. Notre satisfaction est brève, un Crétois à bord de son voilier, sur le quai d’en face, nous apprend que le bateau semi-sous-marin touristique va bientôt rentrer de son excursion et ne pourra accoster si nous restons là. Il téléphone  au capitaine du port et nous transmet sa réponse. Nous pouvons accoster sur le haut quai des chaluts, inoccupé pour le moment. Un autre voilier nous suit, construction amateur en aluminium des années 70, au pavillon suisse. Comme nous, il  s’amarre au ponton des bateaux de pêche. Cet emplacement nous convient face aux neoria, les anciens arsenaux.

C’est toujours avec enthousiasme que nous mettons pied à terre dans une nouvelle escale, curieux d’expériences renouvelées mais toujours uniques, malgré la succession de nos haltes maritimes. Nos sens sont en éveil, nous nous adaptons à une architecture urbaine inconnue qui très vite nous devient familière, tout du moins en bordure de port ou de mouillage. Nous photographions dans notre esprit et dans notre appareil les façades des demeures, les monuments religieux et laïcs, nous dévorons nos guides touristiques et appréhendons l’histoire des villes et des constructions. Cette soif de découvertes de nouveaux paysages et de nouveaux quartiers, depuis plus de 6 saisons que nous naviguons en Mare Nostrum, est encore inextinguible. Puisse t-elle durer le temps de notre circumnavigation .

  • Balade en ville

Nous  débarquons  donc à Chania, ex La Canée, et  longeons les débarcadères du vieux port.

Dans un théâtre se tient une exposition photographique sur le tournage à la Canée notamment, du film gréco-anglo-américain Zorba le Grec, adapté du roman de Nikos Kazantzakis, Alexis Zorba. C’est grâce à ce film porté par Anthony Quinn, que Fabienne s’essayait  dans son enfance avec sa soeur et sa cousine, dans la cuisine de sa grand mère à danser le sirtaki. La violence des scènes est toujours restée dans sa mémoire : de la lapidation de la veuve au  dépouillement par les femmes du village des maigres biens et fanfreluches de l’hôtelière française, recluse au village, et l’éboulement du téléphérique censé déboucher pour le village sur une expansion économique grâce à l’exploitation d’une ancienne mine, ces scènes lui ont laissé des souvenirs d’hypocrisie, de peur de l’étranger et de ses différences , de frustration, de rêves perdus, de contrastes marqués par les tenues vestimentaires et les comportements comme ceux de Zorba, l’exubérant  Crétois, et de l’écrivain britannique, rigide.  Il en est des films, comme des livres, des images imprimées dans nos rétines qui nous poursuivent et nous accompagnent notre vie durant, cela fait partie des instants de jouissance culturelle que l’on savoure à notre demande, par la seule injonction à notre mémoire. Loués soient les souvenirs qui nous permettent à loisir de revivre les émotions, par  l’empreinte gravée dans notre mémoire. Réactivant les données des faits passés, l’image mentale réapparaît intacte et vive, déclenchant les mêmes sensations qu’au moment du vécu. Le corps oublie, l’esprit est condamné à revivre.

En longeant le quai, on se retrouve devant  la mosquée des Janissaires, teintée de rose. Elle abrite l’office de tourisme et les autorités portuaires. On règle au capitaine du port les 10 € de taxe. On contourne la forteresse pour errer dans les ruelles de la vieille cité.

 

Les  boutiques sophistiquées accueillent des bijoux de créateur, mêlant pierres, métaux, bois et verres, des ateliers de poterie et de céramique, des couturiers et des maroquiniers.

Partout où l’on passe, on ne peut qu’admirer les traces architecturales dues à ses occupants vénitiens puis ottomans.

 

Les Vénitiens, grands marchands, font l’acquisition de la Crète aux Croisés, après la 4ème croisade. Ils deviennent les gouverneurs hégémoniques de la Méditerranée et une grande puissance maritime durant le Moyen âge et la Renaissance (1204-1669).Leur génie militaire, commercial, administratif et culturel insère la Crète dans la grande République de Venise et lui confère un rayonnement, passage privilégié et obligé entre la Sérénissime et l’Orient. La présence des Vénitiens assoit  leur puissance militaire et commerciale. L’occupation vénitienne, alliée avec l’installation de l’église catholique romaine, entraine des révoltes chez les Crétois qui  souhaitaient conserver le culte orthodoxe byzantin. Cette véritable colonisation s’accompagne d’expulsions, d’expropriations, d’exploitations agronomiques et ségrégation.Venise domine l’île et la Méditerranée pendant plus de 400 ans et sera suivie de la domination ottomane.

Sous les Ottomans, l’accès au port pouvait être fermé par une chaine reliée au phare, pas de souci de ce côté là, le joug ottoman a cessé à la fin du XIXème siècle.

Les Ottomans mènent une grande campagne militaire contre les villes crétoises à partir de 1641.Le siège de Candie dure plus de 20 ans, Candia tombe en 1669 et scelle le sort de la Crète en étant intégrée au sein de l’immense Empire ottoman pendant plus de 250 ans. Suite à la chute de Candie, Vénitiens, intellectuels et artistes crétois quittent l’ile pour l’Europe, entraînant le déclin culturel de l’île. L’occupation violente est ponctuée de révoltes et de luttes pour la conservation de l’identité crétoise. La Crète devient une province turque dirigée par un gouverneur, assisté de militaires et de fonctionnaires chargés de s’occuper des affaires de justice, de finances et de police. La politique ottomane consiste en une surtaxe pour les populations non musulmanes avec confiscation des terres et brimades. Une petite partie de la population se convertit à l’islam. La langue crétoise et la religion orthodoxe sont tolérées. Toute rébellion contre les Turcs est suivie de massacres sanglants en guise de répression. Sans soutien officiel des grandes puissances européennes, toutes les révoltes échouent.Seul, l’assassinat de militaires anglais met fin au joug ottoman. 

On poursuit notre déambulation dans  Chania.

Nous arrivons en circulant dans  les ruelles, guidés par des airs traditionnels juifs joués par des violons et des lyres devant la Synagogue Etz Hayyim, de construction médiévale et réouverte en 1999. La porte est ouverte, shabbat oblige. Une quarantaine de Juifs vivent en Crète aujourd’hui.

Patrick, athée convaincu et pas vraiment traditionaliste, m’invite à rebrousser chemin et nous nous dirigeons vers le quartier ottoman de Splantzia. Nous nous arrêtons dans la boutique d’Arménis, coutelier. Les couteaux fabriqués dans son atelier sont très aiguisés et sur leur lame sont gravées des phrases calligraphiées, qui parlent d’amour ou d’amitié.  On en achète pour nos enfants, couteaux d’office et d’ornement. On repart dans les allées étroites où les maisons alignent des fenêtres saillantes en ferronnerie et ornées d’arabesques pour aboutir à la place 1821. En1821, la Grèce se soulève contre l’occupant ottoman, et la Crète prend part à la guerre d’indépendance.

Se dressent sur la place un immense platane, qui protège du soleil crétois les nombreux attablés des cafés et un ancien monastère, Agios Nikolaos, à la façade  oecuménique, avec d’un côté un minaret et de l’autre un clocher. On laisse la vieille église vénitienne San Rocco à sa décrépitude et par une rue commerçante  plutôt chic, on atteint le marché couvert, aux allures de gare avec sa structure métallique et ses étals de victuailles. En débouchant par l’autre accès  de Kentriki Agora, on quitte le monde des touristes pour se retrouver dans la vie moderne et populaire crétoise, avec la foule qui musarde, même à plus de 20 heures, entre les enseignes internationales. On cherche un shipshandler,  de l’anglais « ship » bateau, et « chandler » fournisseur, bref un marchand d’articles d’équipements de marine, de pièces d’accastillage, dont on ne trouve pas la boutique, fermée ou inexistante. Décidément les guides maritimes ne sont pas à jour mais on retrouve, attendant sa femme devant la boutique Zara, notre guide des Gorges de Samaria, aussi surpris que nous. Hasard des rencontres.

On retourne au vieux port par la colline de Kastelli, en jetant un oeil sur les vestiges des habitations minoennes, qui nous ramènent à la fin du Néolithique, il y a plus de 5000 ans. Avant de dîner dans une taverne médiocre sur le port, Apostolis, que notre guide livresque  conseille pour sa soupe fraîche d’oursins et  qui n’est plus au menu, nous arpentons la jetée vénitienne aux galets irréguliers et instables, où chaque promeneur s’accroche à son voisin pour ne pas chuter ou se fouler une cheville. Nous relativisons ce petit inconvénient de balade quand nous apprenons le tremblement de terre qui a sévi entre Kos et Bodrum et qui a fait 2 morts et près de 500 blessés en Grèce et en Turquie. L’été dernier, nous avions séjourné dans le port de Kos, l’île d’Hippocrate, port qui s’est affaissé suite au séisme et dont le capitaine nous disait que sa marina était un modèle pour toute la Grèce.

Gramvoussa

Après la livraison de carburant, nous quittons le port de Chania. La mer est calme, le vent faible à 5 nds puis la houle se lève, devient courte et nous brinquebale de bâbord à tribord, désagréablement.

La mer, jusqu’alors outremer, presqu’en haut de la presqu’île de Rodopos, à hauteur de Diktinna, devient subitement turquoise pendant quelques miles puis reprend une couleur bleu pétrole, sans que le sondeur ne nous avertisse d’une remontée de fonds. La proximité de la terre casse la mer.

Passé le cap, le vent passe arrière, on est sous génois jusqu’au chenal de Vouska. Un pêcheur seul sur sa petite embarcation remonte son filet pour laisser la passe libre car la voie navigable est étroite, ceinte de rochers affleurant. On file vers le Sud pour mouiller face à la lagune de Balos, au bleu diaphane et au sable blond, dans la baie de l’îlot de Gramvoussa, en compagnie de 3 autres voiliers dont l’ « Omarian », rencontré à Héraklion.  Patrick plonge pour vérifier le bon accrochage de l’ancre, l’eau est transparente et s’éclaircit de plus en plus en se rapprochant de la côte.

L’ancre est juste posée sur un rocher, Patrick la porte et à la main la coince dans les rochers. Le vent souffle fort avec des rafales à plus de 30 noeuds dans ce goulet. Son appareil photo autour du poignet, Fabienne nage jusqu’à la plage. Ses lunettes polarisées, indispensables dans ces eaux, lui permettent de distinguer les oursins des anémones de mer rouge et d’ éviter les premiers. Elle  marche jusqu’à une épave échouée dans les rochers . Un ferry et un petit bateau d’excursion emportent les touristes d’un jour vers leur hôtel, la plage est déserte quand Fabienne rejoint le voilier, heureuse de se baigner seule, dans cette eau turquoise. Un château vénitien domine la baie qui bien que nommée Imeri Gramvoussa  (en grec  Ήμερη Γραμβούσα, la « Gramvoussa calme »), ne s’apaise que la nuit tombée. Afin que Patrick ait son content de biscuits jusqu’à notre prochaine étape, Fabienne fabrique une nouvelle fournée de cookies.

Au matin, l’«Omarian » et un voilier autrichien qui nous a salués et que nous avions déjà croisé lors d’un mouillage en mer Egée, quittent la baie vers Chania tandis que nous naviguons plein ouest, après une baignade savonneuse.

On laisse derrière nous  sur la côte ouest l’étonnante Falassarna, ses plages aux eaux cristallines, ses serres qui bénéficient des terres plates et fertiles le long de la côte, son antique port.

L’île bascule très lentement, s’élève à l’ouest  et s’affaisse à l’est. En Crète orientale, les ports de l’époque minoenne sont environ sous 2 mètres d’eau. Le niveau de la mer par rapport à l’époque romaine,  est  inférieur à 1 m par rapport à aujourd’hui.

Par basculement,  il y a 1500 ans, l’ouest de la Crète a soulevé et élevé Falasarna de 9 mètres et le port a été transformé en terre sèche et enterré sous des tonnes de décharge, il est maintenant situé à l’intérieur des terres. Etrange d’imaginer le canal d’entrée du port situé à 9 mètres au dessus de la mer, et pourtant aucun bateau volant à l’horizon.

Patrick a avancé le chariot du génois, afin de le border plus serré. Ce règlage permet de rester sous génois même par vent plus fort. On garde notre cap sous cette voile jusqu’au soir.

Nuit et quarts

Pas un seul pêcheur, pas un seul voilier entre la Crète et Malte, près de 450 NM. On devine Anticythère, au nord, le soir venu. Patrick est fasciné par la machine d’Anticythère, considérée comme le premier calculateur analogique antique, datant du IIème siècle avant JC et permettant de calculer des positions astronomiques, le plus vieux mécanisme à engrenages connu. Nous avons eu l’occasion d’en voir les fragments lors de notre visite au Musée National Archéologique d’Athènes, la saison dernière.

Les cargos et tankers nous croisent, longs de plus de 150 mètres, larges de plus de 20 mètres, immatriculés aux Bahamas, au Libéria, à Panama. Ils se dirigent vers la Grèce ou l’Italie.On connaît leur description, leur destination, leur immatriculation d’origine grâce à l’AIS dont ils sont équipés. 

  • Utilité de l’AIS

L’AIS, système d’identification automatique,(Automatic Identification System) est un système d’échanges automatisés de messages entre navires par radioVHF, qui permet aux navires et aux systèmes de surveillance de trafic de connaître l’identité, le statut, la position et la route des navires se situant dans notre zone de navigation.

Chaque navire, équipé de l’AIS, a un identifiant unique, un numéro MMSI. A terre, grâce à notre numéro MMSI, chacun peut suivre sur son écran d’ordinateur notre route et connaître notre position, sur un site comme MarineTraffic, pionnier mondial du suivi des navires AIS.

Lors des quarts, en visionnant l’écran de l’AIS, nous aimons regarder les informations sur les navires que nous croisons, leur nom, leur port d’immatriculation, leur type de cargaison, leurs dimensions,  leur destination si le chef de quart l’a indiquée, l’estimation de leur heure d’arrivée à destination.

Par gros temps et mer houleuse, par temps brumeux, et surtout la nuit, l’AIS nous permet une identification rapide de ce qui nous entoure, navires, phares, bouées. Lorsque la mer est levée, le radar s’emballe et nous transmet des échos fous, confondant la crête des vagues et l’approche d’un bateau. L’AIS nous rassure.

Les quarts

On répartit la nuit entre nous 2, Patrick prend le quart de 22h à 2h, Fabienne de 2h à 6h, heure à laquelle Patrick reprend le quart suivant.  Pendant nos quarts, on s’allonge dans le carré, et toutes les 15 minutes, au maximum, la minuterie nous aide à nous réveiller, on monte dans le cockpit, on balaie l’horizon à 360°, on surveille les données de l’AIS et du radar. On suit la trajectoire des navires de commerce, qui la plupart du temps  dévient leur route pour nous éviter de changer de cap. L’AIS nous indique précisément dans combien de temps, en minute, nous serons le plus proche l’un de l’autre et la distance la plus serrée entre les 2 embarcations. Si la distance est nulle, il y aura collision. Les yeux rivés sur l’AIS, on regarde l’évolution du cap du navire croisé, on vérifie en scrutant aux jumelles sa trajectoire, on estime à l’oeil s’il y aura collision ou pas. A quel moment devrons-nous changer de cap ? Aurons-nous le temps de changer de cap ? Serons-nous percutés ? Par mesure de précaution, dans ces cas-là qui  font perler des gouttes de sueur au front, on réveille notre co-équipier, on regarde à nouveau en direct, on suppute, on met le moteur, on attend, l’angoisse au ventre. Sous voile, peu manœuvrables, nous sommes prioritaires mais certains,  que notre présence distrait, change leur cap pour foncer sur nous, à près de 20nds.  Notre changement de cap entraîne toujours un risque supplémentaire, car nous sommes bien lents et bien légers par rapport à ces monstres des mers. On est sur leur route, entre Gibraltar et Suez. Quand 98 % des vraquiers*, cargos, tankers*, remorqueurs et autre pétroliers croisés  dévient leur route, les 2% qui s’ennuient à leur barre la nuit et veulent voir de très près à quoi ressemble un  OVNI à coque en aluminium et son équipage nous poursuivent. Si l’on change de cap, ils en changent à leur tour pour s’approcher au plus près de notre bord. Ils travaillent et nous sommes des plaisanciers, quelles sont leurs intentions lorsqu’ils nous serrent de trop près ? Ces interrogations sont une source de suées froides, malgré la chaleur ambiante, entre Libye et Péloponnèse. Puis le travail les rappelle à l’ordre, ils reprennent leur cap et nous laisse pantelants. On se ressaisit vite et on reprend notre route et notre quart, le coéquipier retourne dans sa cabine et celui de quart dans le carré. 

* Un vraquier est un navire de charge  destiné au transport de marchandises solides en vrac. Il peut s’agir de sable, de granulats, de céréales mais aussi de matériaux denses comme les minéraux . 

* Un tanker est un navire conçu pour le transport en vrac des combustibles liquides.

Mais la nuit, le ciel dégagé permet au veilleur d’admirer la voie lactée, de nommer les étoiles, en regardant le livre d’observation des constellations car en traversée, on ne capte pas longtemps le réseau et l’appli, comme par exemple Google Sky Map, si pratique fut-elle, reste morte lorsque les flots sont notre seul horizon. Loin de la pollution lumineuse, on commence par le plus facile, grande et petite ourse, l’étoile polaire, Orion, puis on se prend au jeu et la carte du ciel nous aide à reconnaitre d’autres soleils et planètes dans le désordre céleste apparent. 

La nuit nous réserve aussi d’autres merveilles. Parfois le sillage du bateau laisse une trace phosphorescente dans l’eau noire, ce sont les organismes vivants du plancton qui s’illuminent lorsqu’ils sont agités par le passage de la coque dans l’eau.

Traversée plein ouest

La mer s’agite en journée, on se cogne un peu partout, et Patrick, sur son crâne déchevelé. Avant que la mer ne rende impossible la manœuvre et pour s’assurer d’un plein, Patrick remplit le réservoir tribord à partir d’un bidon. Il a fait l’acquisition d’un tuyau qui  permet au carburant de passer du bidon au réservoir sans avoir besoin de syphoner en aspirant. (cet appareil sensationnel fera l’objet d’un article dans l’onglet  » équipements » )

La solitude à 2 est propice à la réflexion, on change notre programme. Cette saison ne nous verra pas arriver aux Canaries, nous pensons laisser le bateau au Maroc,  près de Ceuta. Notre projet de transatlantique sur Opale recule de 2 années, la vie professionnelle de Patrick est incompatible avec une absence d’un mois voire plus l’hiver prochain. On sieste à tour de rôle, Fabienne continue sa couture du taud, retrace la route des prochaines étapes, planifie sur plusieurs années les sites et les dates futurs de villégiature, s’informe sur Malte, notre prochaine destination et repère les lieux incontournables à voir, patrimoniaux et naturels.

Les nuages stratocumulus s’estompent pour laisser place à un ciel uniformément blanc grisé. Ensemble, on redéfinit le concept de notre futur livre de bord idéal, à fabriquer, car celui que l’on utilise quotidiennement sera complet à la fin de cette saison.

La météo

Nous avons prié le Dieu Météo, nouveau venu dans la mythologie, nous l’avons imploré de nous prodiguer un temps constant, clément  et sûr pour la durée de la traversée. Peut -être aurions nous du sacrifier un taureau à Poséïdon afin de nous assurer ses faveurs. La fenêtre météo était bonne pour 5 jours, le vent forcissant devait, venant de Méditerranée occidentale, longer la Sicile puis remonter vers l’Adriatique. La météo ne serait-elle pas une science exacte ? Les bulletins météo piochés dans les fichiers Gribs,  sur le Navtex, sur Weather 4D, concordaient entre eux mais pas avec la réalité.

La mer ionienne dans laquelle on navigue à présent moutonne et voit le vent se lever, jusqu’à 40 nds. Nos estomacs s’agitent en cadence avec la houle, on aurait pu croire qu’on était amariné mais notre appareil digestif l’a oublié.Les informations de mouvement fournies par notre système vestibulaire  et les informations visuelles sont décalées. On est nauséeux, on baille, on somnole, on est apathique. Deux loques humaines affalées de tout leur long sur les banquettes du carré, de jour comme de nuit, rêvent, entre 2 veilles de 20 minutes, de cabotage. Partir pas trop tôt, pour un prochain mouillage, arriver pas trop tard, en milieu d’après-midi, après un déjeuner salade à bord, se baigner, aller jusqu’à la Skala  ou jusqu’à la Chora, le village du haut de la colline, en redescendre pour commander un citron pressé accompagné de tzatziki, dans une taverna équipée du wifi en bordure de plage, d’où l’on pourrait voir notre voilier dans la baie se balancer mollement au soleil. Puis le lendemain, lever l’ancre pour une autre baie, un autre port, pas trop loin, sous un ciel uniformément bleu et lumineux et une bonne brise pour gonfler grand voile et génois. On rêve ensemble, entre 2 hauts le coeur. On pense à notre Vendée, aux journées tranquilles d’été où l’on passe du marché  au jardinage, de la  sieste sur la plage à la baignade jusqu’au ponton, de la promenade en kayak de mer jusqu’à Pilhours à celle qui remonte la Vie, notre rivière côtière, des balades en vélo dans les marais à la Cotriade, un restaurant micheliné que l’on apprécie. Mais le vent qui hurle dans les haubans nous ramène à la réalité. On entend des voix après quelques journées en mer, des chuchotements ou des cris de souris. Le vent de NNW est trop fort pour avancer au moteur, on louvoie vers la Libye mais quand on vire de bord, on ne peut remonter qu’au NE. Cette journée-là est perdue, un trou dans notre espace-temps. Le lendemain, le point sur la carte est le même que celui de la veille.

D’imposants nuages sombres empêchent le soleil de percer. On guette l’anémomètre, on dirait bien que le vent se calme, on peut enfin reprendre notre cap idéal et repartir plein ouest. Le bateau tape, la mer est agitée mais le vent baisse. Un thé et une toilette succincte ramènent Fabienne dans un quotidien nécessaire pour refaire surface. On grignote des pépites et des amandes. Le riz que Fabienne prépare pour Patrick cale son estomac malmené. Le ciel reprend une teinte scandinave, bleu gris. Les nuages filent vers le nord. Sans réseau, depuis 5 jours, on est sans nouvelles de nos enfants, de nos mères respectives. Lors de notre première transatlantique, plus de 15 ans en arrière, les enfants étaient à nos côtés, nos parents en couple. Mais à présent, chacun a vieilli, on tremble à l’idée que l’un ou l’une ait besoin de nous et que l’on ne soit pas joignable, que l’on ne puisse les secourir, ou les soutenir en cas de nécessité. Patrick parle d’acheter un iridium.

Côte en vue, le 6ème jour, le bien nommé car c’est bien ce jour -là que  D. créa l’homme à son image, et la femme d’une côte de l’homme, pour qu’il ne s’ennuie plus.

A 20 MN de Malte, des navires de charge stationnent en pleine mer, ancrés à plus de 100 mètres de profondeur. Ils attendent là, bien au large, l’autorisation de pénétrer dans le port franc. On zigzague avec prudence entre ces blocs creux d’acier, merci Archimède. Le réseau revient, les sonneries des sms et des what’s app fusent. Retour à la vie des Terriens. Les murailles de la ville forment un horizon de fortifications, qui nous projette dans l’histoire et dans le plus grand port naturel de la Méditerranée.   

  

   

 

 

 

 Saison 7 Episode 2  S7E02

Yassas, γεια σας, chers famille et amis

Très nombreux, si, si, à réclamer le 2ème épisode des aventures des Elbaz à bord d’Opale, le voici. Puisse t-il vous accompagner dans nos péripéties, navigations et découvertes.

C’est le chantier

Chaque samedi, dans le chantier, un BBQ est organisé par des voileux italiens, on partage les frais et on échange nos programmes de navigation, passés et à venir. On y a fait la connaissance de Jacques, un circumnavigateur qui revient de son tour du monde de 12 années, jeune et fringant arrière grand père depuis 10 jours de 77 ans. Las de naviguer, il est passé par le canal de Suez, pour revenir en Méditerranée plus vite plutôt que de passer par le Cap de Bonne Espérance où il aurait navigué une année de plus. Gagner la Méditerranée en venant de l’Océan Indien nécessite de passer par le Golfe d’Aden, long de 1000km et large de 150 à 440 km .La remontée vers la Méditerranée s’organise en convois alternés par colonne de bateaux, protégés par des embarcations militaires armées qui patrouillent le long de la colonne, surveillée également par hélicoptère, à 60 NM (Miles Nautiques , pour info, 1NM = 1, 852 km) de chaque côte ( environ 110km).  Cette vigilance est indispensable dans cette région où la piraterie maritime sévit, notamment au large des côtes de la Somalie et où les migrants sont nombreux à tenter de rejoindre le Yemen. Ensuite, il s’agit de remonter la Mer Rouge sur 1900 km et enfin le canal de Suez sur 160 km, une aventure par laquelle nous ne sommes pas tentés. Jacques nous a raconté ses traversées et ses escales, c’est toujours enrichissant pour nous de recueillir de telles données et expériences, on modifie ainsi notre parcours rêvé.

Lors de ce BBQ, nous avons rencontré un couple franco-japonais, se partageant entre la région PACA et, Paris, en hiver et en été,  la Grèce et la Turquie au printemps à bord de leur voilier et le Japon en automne, une vie bien riche en intérêts variés qui rend cette nouvelle amitié passionnante.

Le BBQ à l’image du chantier est polyglotte, s’y retrouvent  Allemands, Danois, Russes, Anglais, Italiens,  Grecs et Français. On y savoure de la chèvre grillée, accompagnée d’une salade grecque (tomates, salade verte, concombre, fêta, herbes aromatiques, persil) et de légumes grillés (champignons, aubergines, poivrons), arrosé de Mythos, la bière nationale ou de vin rouge local, un bien agréable BBQ estival.

L’histoire entre oliviers et chèvres

Avec la reprise alimentaire, la  tension de Fabienne remonte, presque 9/6, elle en profite après sa demi-heure de nage quotidienne pour marcher jusqu’à la tour, en haut de la colline. En fait, la tour se révèle être un mirador bâti sur un blockhaus, par l’occupant allemand durant la Seconde Guerre Mondiale. Léros passa de l’occupation ottomane qui durait depuis 400 ans à  l’occupation italienne, comme le reste du Dodécanèse, en 1912, à la suite de la guerre italo-turque. En 1943, les Allemands tentèrent de reprendre l’île aux Italiens, suite à leur reddition, devenus alliés des  Britanniques et des Grecs, Elle fut très durement bombardée pendant plus d’un mois et demi, puis  tomba finalement aux mains de l’ennemi. C’est cette offensive qui a inspiré la bataille de Kéros dans le film « Les canons de Navarone ». Après la guerre, Leros comme le reste du Dodécanèse, fut finalement rattachée à la Grèce en 1948. L’importance stratégique de la colline surplombant la baie de Blefoutis et sa vue sur les côtes turques explique la position de ce mirador et un peu plus bas d’une caserne qui sert à présent d’abri pour les chèvres.  En redescendant, Fabienne découvre, caché par des arbustes, un porte mitrailleuse, rouillé et scellé au sol, visant un éventuel débarquement; marque du temps sur une petite plage devenue paradisiaque.

Bientôt sur booking.com

La température monte, 43° C à Athènes, plus chaude température jamais enregistrée mais déjà la météo annonce que le vent va se lever et qu’une mise à l’’eau ne sera  possible que d’ici une semaine, au mieux. Cela laisse le temps à Patrick de peaufiner la préparation et Fabienne son repos et son bronzage sur sa plage préférée. Avis aux amateurs, une pancarte de terrain à vendre, en bordure de plage, lui donne l’idée de construire un Hotel resort 5 étoiles, pas moins, sur 7500 m2, dans le style des palais Art Déco italiens, pour ne pas gâcher cette belle impasse sauvage, avec piscine  intérieure, d’eau de mer,  restons écolo et pour l’avoir essayée avec sa fille et avec contentement à Pornic, la thalassothérapie est un bienfait. Pour créer ce futur complexe hôtelier en association, contactez Fabienne !

« J’aime à penser que la lune est là même si je ne la regarde pas » Einstein

Chaque jour, lorsque Fabienne nage, elle aperçoit la lune en plein jour, est-ce parce que dans la mythologie, Léros resta au fond de la mer jusqu’à ce qu’Artémis, la déesse de la chasse et Sélène, la déesse de la lune aient persuadé Apollon, le dieu de la lumière de les aider à la sortir de l’eau ? Depuis, Artémis protège Léros et la lune y est toujours visible, de nuit comme de jour. Les navigateurs font courir le bruit que la pleine lune entraîne toujours un épisode de mer agitée, de vent fort et de visibilité réduite. Nos voisins de chantier, Jean-Pierre et Pascal, habitués de la Mer Egée et de ses caprices, valident cette croyance.

A louer ou/et à acheter, sur loftboats.com

Ces 2 partenaires sont les concepteurs, designers et propriétaires d’un voilier unique, le Loft 40, un prototype à coque large avec un impressionnant volume intérieur, spacieux et lumineux. Il allie design et fonctionnalité, pour de confortables croisières méditerranéennes. On est ébloui devant un bateau si innovant, qui porte bien son nom. C’est l’attraction du chantier, les curieux  défilent et sont en admiration, tout comme nous, devant une telle audace, une telle technicité et une telle ingéniosité en matière de construction navale plaisancière. Pour plus d’infos, visitez leur site et osez les contacter pour une croisière entre Sporades et Cyclades, sur un voilier de rêve et cependant accessible.

Etesien ou meltem, ça souffle

Les voiliers ont déserté sa baie, enfin celle où Fabienne nage chaque après-midi. Le meltem commence à forcir, la mer à moutonner. Le vent étésien, dérivé du mot grec qui signifie annuel, car il est saisonnier, régulier et souffle avec constance chaque été, est plus connu sous le nom turc de meltemi. En Méditerranée orientale, c’est un vent frais associé à un beau temps clair, de secteur nord qui peut atteindre 40 noeuds, force 8 sur l’échelle de Beaufort. On n’a pas vu un seul nuage depuis notre arrivée et le ciel est uniformément bleu grisé. Le vent emporte la chaleur et retire l’envie de se baigner mais  Fabienne, à l’image d’Eole, reprend des forces. Lorsque sa tension, prise quotidiennement arrive à 10/6, la partie est gagnée, le tensiomètre retrouve sa place au placard. Avec la forme qui revient, Fabienne entreprend dans un grand drap de coudre un taud de soleil, à fixer sur la bôme, au mouillage. Ainsi quand la chaleur reviendra, le carré, à l’origine  la salle commune où les officiers prenaient leur repas et dans notre voilier, la pièce à vivre avec cuisine, table, bibliothèque, table à carte,  sera protégé par ce grand carré de tissu pare-soleil. Le souffle (d’air) rentrera par les hublots de roof mais la toile blanche de coton léger atténuera la chaleur à l’intérieur et permettra d’assurer   une bonne ventilation, avec l’illusion de la fraicheur. Même à terre, le vent  commande. Jacques Brel  aurait interrompu son tour du monde à la voile, prétextant que, cité de mémoire, « sur un bateau, on devient con, on passe son temps à chercher d’où vient le vent ».

Notre bateau est notre maison et notre moyen de transport, notre rêve et notre ouverture au monde, notre envie d’ailleurs imaginaire couplée à la réalité tangible des éléments.  Etre marin et navigateur, vouloir rester en vie sans casser son bateau, nécessite d’être patient et docile vis à vis de la mer et du vent. Devant l’eau et l’air qui s’agitent, on fait le dos rond, fragile et humble, on sait que ces éléments auront toujours le dernier mot. Pour aller loin avec plaisir, soyons sages et patients, la mer nous guidera lorsque nous pourrons avancer, soyons attentifs à ses signes. Sans nécessité, sans obligation, sans mesure du temps, nous prendrons le vent, douce brise, pour gonfler nos voiles et nous diriger là où la risée nous mènera, sans souffrance, ni peur, sans douleur et avec plaisir. Une navigation réussie nécessite une bise suffisante pour, venant de travers ou arrière, tirer ou pousser le bateau, à une vitesse de croisière agréable, celle où les poissons mordent à l’hameçon accroché à la ligne de traîne, celle où l’on lit, coud, dessine, brode, rêve en maillot de bain dans le cockpit, l’emplacement situé à l’arrière du voilier où se tient la barre et où le soleil caresse la peau enduite de protection solaire ou à l’abri du bimini, ce pare soleil fixe qui chapeaute le cockpit. 

Mais pour l’heure, la mise à l’eau, au vu des prévision météo est repoussée.

Alors, bien sûr, on surveille le ciel, toujours uniforme, exempt de nuages et d’où vient le vent, s’il s’amplifie ou se calme, on s’échange entre voisins de chantier nos adresses de sites internet spécialisés  poseidon.fr, meteo.gr, notre préféré, on récupère les fichiers Grib  sur Weather4D, Les fichiers météo GRIB (GRIdded Binary) sont des fichiers de données météo numériques informatisés, ces prévisions sont publiées sans intervention humaine. Vont bon train les commentaires. Tout un chacun  pronostique sur l’évolution du temps, glane signes et observations, conjecture à partir de suppositions, de présomptions, d’hypothèses, suppute, voire analyse pour expliquer pourquoi Eole, maître et régisseur des vents les dispose avec cette force-ci et cette direction-là, certains essaieraient même de l’influencer par des prières  pour chercher à se concilier ses faveurs.    

Un atelier géant

Pendant ce temps, on n’active pas que les langues sur les bateaux. Sur Opale, on range ensemble, capt’ain et équipière, l’ancienne chaîne de 100m et de 300kg, dans un des coffres du carré, elle pourrait servir. On marque la nouvelle chaîne en peignant des repères pour connaître la longueur de chaîne descendue lors des mouillages.

Patrick fiabilise et améliore certains branchements électriques. Il nettoie et protège par antifouling les hélices du moteur et du propulseur, les graisse par un produit insoluble. Il contrôle  et change certaines anodes sacrificielles, au niveau du safran.Il installe un interrupteur sur le transformateur d’isolement  pour sélectionner, bateau à flot, bateau à terre. Grâce à notre mini imprimante à étiquettes, tout est étiqueté dans le bateau, de la mécanique à l’électricité en passant par les pots des aromates utilisés dans la cambuse.  Patrick vérifie les gilets de sauvetage et les équipe de nouveaux feux de repérage et met en fonction de nouveaux flash à led individuels puissants, en cas de chute à la mer.

Fabienne réalise des épissures, en liant un fil résistant au bout des bouts (prononcez « boute »), c’est à dire à l’extrémité des cordages, en l’occurence au bout des nouvelles amarres. Sur un navire, la seule « corde » est celle utilisée pour pendre les mutins. Chaque cordage possède un nom spécifique:

– une aussière, le cordage pour l’amarrage

– une écoute, celui pour orienter une voile,

– une drisse, celui pour hisser la voile,

– une bosse de ris, celui pour tendre le bord de la voile, les marins disent «  étarquer la bordure » et permettant la prise de ris pour diminuer la surface de la voilure quand le vent forcit, 

– une garcette, un cordage fin pour  enserrer l’excédent de toile ou de cordage.

Fabienne dresse les itinéraires des routes pour rejoindre la Crête, avec les prévisions d’escales,

Elle cuisine des cookies pour Patrick, moitié aux amandes, moitié au chocolat.

Tandis que  la pleine lune culmine, les vents boréens s’apaisent, on en profite pour se lever à l’aube et hisser la Grand Voile, Patrick monte en haut du mât installer la girouette et l’anémomètre électroniques. On met en place la capote, pare-vent et embruns au dessus de la descente qui mène au carré. Fabienne lave les hublots. Patrick fait les retouches à la peinture blanche sur la peinture écaillée. Il range ses outils afin que l’atelier géant qui avait envahi tout le bateau réintègre la coursive-atelier. Les réservoirs d’eau sont remplis, le chantier payé.

Derniers préparatifs

A Léros, la route des vins est un des circuits touristiques de l’île, au retour de Blefoutis ( Mplefoutis) dont Fabienne a repris la fréquentation, l’eau est toujours chaude mais devant la force accrue du courant, la plage est désertée et elle est la seule à nager. Après l’ultime baignade dans cette baie, Fabienne par une route escarpée visite un vignoble et repart avec quelques bouteilles de vin «  Iokallis », IGP Dodécanèse, d’un producteur local et familial, vin blanc de cépages de Malagouzia et  d’Asyrtiko , vin rouge issu de cépages de Cabernet Sauvignon ou de Merlot, vin rouge assez charpenté, pour le peu qu’elle s’y connaisse.

Ensemble, on se rend au bureau de la police portuaire de Lakki pour se procurer le DEKPA, document de circulation  pour les yachts de plus de 10 m, à présenter  dans chaque port grec. L’été dernier, les formulaires n’avaient pas été réimprimés et à notre arrivée à Corfou, les autorités nous avaient stipulé que le DEKPA n’avait plus cours. A Léros, le chantier l’exige avant notre départ, on le règle à la banque nationale, 50 €, mais au bureau de police, on nous donne un imprimé provisoire car les formulaires sont encore en cours de réimpression. Il suffira de présenter ce document provisoire pour obtenir le DEKPA dans un autre port. En fait, personne ne nous le réclamera et nous n’aurons jamais le document officiel. On s’est acquitté de cette taxe, c’est notre contribution si infime soit elle à la Grèce.

On prépare l’avitaillement, terme marin pour dire que l’on fait les courses pour approvisionner nos équipets, coffres de rangement et trappes et notre réfrigérateur en vivres et en eau en bouteilles.

On apprend par la radio du matin la mort de Simone Veil, modèle exemplaire de résilience et de combat renouvelé pour de nobles causes, le devoir de mémoire sans esprit de vengeance, le droit pour la femme à disposer de son corps, l’aide à la construction de l’union de l’Europe. Même si ses idées politiques ne correspondaient pas aux nôtres, on signe la pétition pour qu’elle intègre le Panthéon. Les signataires l’emportent, elle ira y reposer avec son défunt mari.  Aux grandes femmes, la patrie reconnaissante !

On prend des nouvelles des enfants, la venue de nos 2 aînés accompagnés de leur moitié, est prévue à notre escale maltaise.Notre fils lyonnais et sa compagne, après avoir traversé le golfe de Gascogne sur leur premier voilier, revendu, un challenger scout  de 7 mêtres, viennent d’acquérir leur 2ème bateau: un First 22 dériveur, qu’ils remorquent dans le jardin de notre  maison vendéenne. Nous leur souhaitons de belles navigations. Notre passionné de paléontologie effectue un stage de fouilles organisé par le Muséum National d’Histoire Naturelle en Charente.

Dernier resto avant de quitter Léros, l’Alinda, à fuir, le tzatziki correct, la moussaka avec principalement des pommes de terre, peu d’aubergines, et un parfum de cannelle appuyé, de l’octopus caoutchouteux et trop salé, le vin local Iolakis chaud. On était tenté par les cigales de mer à 90 € le kilo qui nageaient dans l’aquarium mais au vu du ratage de la préparation du poulpe, on se félicite d’avoir échapper au carnage , on se rattrapera à Noirmoutier, bref un désastre culinaire. Comme dans tous les restaurants grecs, le dessert est servi d’office, melon ou pastèque, accompagné parfois de yaourt au miel, de baklava ou de biscuit de semoule.

Après 18 jours de location, on rend au loueur notre voiture bien poussiéreuse.

Céto-quoi ? pourquoi ? pour qui ?

Le régime cétogène que Fabienne a entrepris lors de sa reprise alimentaire est facile à suivre en Grèce où les légumes gorgés de soleil abondent. Certes, ils ne valent pas ceux d’Italie mais les olives, l’huile et la fêta les enrichissent d’une exquise saveur.

Le livre « Le régime cétogène contre le cancer » des Dr Schlatterer, Knoll et Kämmerer guide Fabienne dans sa volonté de combattre les métastases, de lutter contre  LA maladie et freiner son évolution.

Le régime cétogène nécessite de réduire drastiquement, voire de supprimer tous les glucides lents et rapides et de s’alimenter avec des légumes, des protéines trouvées dans la viande et le poisson et des matières grasses :  c’est là le but, compenser l’absence de glucides par les lipides et entrer en cétose. Les lipides transformés en corps cétoniques, quand le corps est soumis au jeûne ou à une carence glucidique, alimentent les organes au détriment des métastases et des cellules tumorales privées de glucides. Ce type d’alimentation ralentit voire stoppe la croissance des tumeurs, avides de sucre.Les cellules saines ont depuis des millénaires subi des jeûnes, du fait des aléas des famines, le métabolisme s’est donc adapté physiologiquement pour compenser l’absence d’aliments glucidiques en transformant ses lipides présents dans ses réserves corporelles en corps cétoniques. A partir des graisses stockées, le foie produit  des corps cétoniques et les véhicule par le sang jusqu’aux tissus consommateurs d’énergie, les cellules musculaires et nerveuses.  Les corps cétoniques sont la source d’énergie privilégiée du coeur, du cerveau, des reins et peuvent fournir jusqu’à 75 % de l’énergie consommée par le cerveau en cas de jeûne prolongé, le glucose en fournissant dans tous les cas au minimum 25 à 30 %.

Les cellules cancéreuses, mutantes, n’ont pas cet antécédent héréditaire et sont fragilisées, circonscrites, voire absorbées et évincées par le système immunitaire renforcé par cet effort de diète cétonique. Concrètement, les aliments à supprimer sont les sucres lents, les féculents (pommes de terre, pâtes, riz, pain, tout ce qui est à base de céréales et contient de l’amidon ) et les sucres rapides (chocolat, sucreries, pâtisseries à base de farine de céréales, fruits ). Beaucoup de graisses, suffisamment de protéines, peu ou pas de glucides, la Grèce est un pays rêvé pour un régime cétogène.Les légumes y sont excellents et peu chers en comparaison de la France, on se régale d’aubergines, de courgettes, de poivrons, de brocoli, d’haricots verts, de chou, de tomates, concombres, agrémentés de fromage blanc grec, de fromage de montagne et entorse à la Grèce de mascarpone ou de parmesan. Le lait, facteur de croissance et sucré naturellement, est à éviter contrairement aux autres laitages recommandés. La tolérance zéro est plus facile pour Fabienne que la restriction.

Mise à l’eau

Nos voisins du Loftboat40 nous précédent, on observe attentivement les manœuvres. On repositionne les pare-battages. Une heure plus tard, c’est au tour d’Opale d’être lancé. La remorque à  glissière Roodberg SWL 38MT, en forme de U  et son cadre de portage soulève la coque du bateau et l’ensemble roule jusqu’à la pente de mise à l’eau. On le suit à pied et on admire le calme et le professionnalisme de l’équipe , du petit  fils, monté à bord qui manipule les amarres au superviseur Nikos, en passant par Kalliopi, la général manager, discrète et efficace et Vivi, souriante francophone et pleine de bonne volonté.  Du conducteur de la remorque au mécanicien, nous n’avons qu’à louer la qualité exemplaire de service  du personnel  compétent et sympathique d’Artemis Leros Boatyard,   http://lerosboatyardltd.com .

Bienvenue à bord

On monte à bord, le vent se lève, des petits moutons nous accompagnent dans Ormos Parthéni pour saluer notre départ.Un petit hors bord du chantier nous tire pour nous extraire de la jetée puis nous nous élançons et retrouvons nos automatismes marins. Patrick est à la barre, Fabienne range les amarres et les défenses. On hisse la trinquette, petite voile d’avant. Dans le Stenon Farios, le canal entre Nikos Leros et Nisos Arkhangelos, on roule la trinquette et hisse le génois, grand foc triangulaire avant. Le vent passe au travers et faiblit, on enroule le génois, on met le moteur en marche. Fabienne barre afin que le bateau soit face au vent et que Patrick puisse hisser plus facilement la Grand Voile( GV). Patrick n’use du winch qu’au 3/4 du mat. On sourit à la pensée de notre fils voileux qui, à la force de ses muscles, hisse la GV jusqu’en haut du mât, nonobstant l’aide du treuil à manivelle. La drisse de GV est prise dans un échelon de mât, Patrick joue du lasso, on reprend le cap, on déroule à nouveau le génois. Le vent retombe.  On rentre le génois, on descend la GV, on installe le spi, on avance bien, cap au sud ouest. On déjeune de ratatouille, préparée  la veille, Fabienne sieste dans le cockpit, Patrick veille, à ses côtés. A l’approche de Nisos Levitha, l’île des Cyclades centrales la plus orientale, le vent forcit. Allure en vent arrière, pour déventer le spi que Patrick range dans son sac et remise au pied du mât. Patrick prend la barre, au moteur, pénètre dans la baie profonde et slalome parmi une dizaine de bateaux pour arriver au fond de l’ormos bien protégée. Fabienne attrape un corps mort. On retrouve nos réflexes de navigation, d’amarrage, d’accostage, cela nous ravit. Un dinghy approche de l’arrière du bateau.Un dinghy, appelé également annexe, est l’embarcation pneumatique que tout voilier possède pour se rendre à terre, équipé d’un moteur et de rames, indispensable lorsque l’on mouille dans une baie. A bord du dinghy visiteur, se trouve le propriétaire liégeois de Saudade, un bateau en aluminium, un OVNI fabriqué avec l’aide de son père chaudronnier, sur les plans transmis directement par Philippe Briant, l’architecte naval de l’OVNI. On se raconte nos périples maritimes, lui ses îles du Pacifique, nous, nos tours de l’Atlantique et de la Méditerranée et on s’échange nos bons plans.  A son départ, on profite de la baie et de son eau bleu électrique, qui vire au turquoise dans les hauts fonds.

Revenu sur l’Opale, Patrick gonfle notre léger kayak, que l’on possède depuis 3 étés et que l’on manie aisément et avec délectation. Fabienne aime particulièrement ramer, et filer doucement sur l’eau, silencieusement, à la force de ses muscles. Elle  aimerait  s’inscrire à la rentrée à un club d’aviron, toujours de projet en projet. Notre dinghy dégonflé car inutile tant que nous sommes 2 à bord, est entreposé à l’avant du bateau, ficelé. On le réserve pour la venue de nos enfants.

L’ilien, qui a placé dans la baie les corps morts pour faciliter les mouillages des bateaux, perçoit 7 € pour la nuit, il est aussi pêcheur et tavernier.

En canoë, on rejoint la terre aride seulement habitée par un gardien de phare et quelques bergers et pêcheurs, soit 2 maisons.  Arrivés au quai, nous montons le canoë à terre et constatons que les autres embarcations sont juste retenues par un petit cordage, ce qui signifie que les vols n’ont pas cours ici. Cadenasser notre canoë signifierait une défiance vis à vis des rares habitants et des autres navigateurs, on les  imite et remontons la colline l’esprit serein. En haut du sentier bien balisé, qui serpente entre des pierres, au bout d’1/4 d’heure de marche, on arrive à la taverna, où déjà sont attablés les visiteurs de la baie, Allemands, Belges, Français. Le seul accès à l’île se fait par la baie et le ravitaillement du petit restaurant par bateau.

Au vu des assiettes, où trainent frites et saucisses et quelques rares poissons, on préfère boire un verre de vin grec accompagné de tzatziki puis s’en retourner dîner à bord. Pas de réseau, ni téléphone, ni internet, notre premier mouillage de l’année nous satisfait. Patrick programme une zone d’ alarme de mouillage sur le GPS. Une zone circulaire est définie autour du bateau, c’est la surface que balaie le navire en tournant autour de son mouillage. Sous la force du vent et/ ou du courant, le bateau pivote autour de son point d’ancrage, on dit qu’il évite. Si la zone de sécurité définie préalablement  est franchie, une alarme sonore est déclenchée.  Cette précaution prise, on s’endort  béat. 

D’île en île

On largue le corps mort le lendemain matin, après le petit déjeuner, thé vert pour Fabienne, cookies fait bateau, eau et fruit pour Patrick. Au sortir de l’ormos, Patrick ralentit  le moteur à 1500 tours/minute, l’anémomètre affiche 22 noeuds de vent, Fabienne à la barre met le bateau face au vent, Patrick hisse la Grand Voile, prend un ris, on reprend le cap au 180°, on coupe le moteur. Pendant que Patrick laisse filer la bosse d’enrouleur de génois, Fabienne embraque l’écoute de génois, Patrick finit d’étarquer avec la manivelle de winch. Le drapeau français flotte, attaché au pataras, le câble reliant la tête de mât à l’arrière du bateau et qui contribue à maintenir le mât verticalement. Notre pavillon nous aide à voir la direction du vent. Ne pas confondre l’allure, le vent apparent, le vent réel, on en rit, en repensant au Grand Jacques, le quêteur. On avance à presque 8 noeuds. Un voilier français a quitté la baie un peu avant nous et se dirige vers l’Ouest, vers d’autres Cyclades, Saudade un peu après nous et file vers l’est en direction du Dodécanèse et nous plein sud, chacun sa route maritime. Patrick se sent libre. La mer moutonne juste ce qu’il faut pour apercevoir quelques crêtes blanches tranchant sur le bleu électrique de la mer. Le réseau est revenu, au large, on consulte nos sms, mails, appels et autres what’s app. En navigation, Fabienne ne peut utiliser son ordinateur, car les embruns nuisent aux Macbook ! Fabienne prépare le plan de visite crétoise, avant de préparer le déjeuner. Pas encore amarinés, nous sommes tous 2 nauséeux, le repas nous requinque.

On retrouve notre mouillage de l’an passé à Astypaléa, sur la route qui nous avait menés à Rhodes. En Grèce, entre alphabets latin et grec, les orthographes varient, ainsi Astipaléa s’écrit aussi Astipàlaia  ou Astypalaea ou Stampalia ou encore Αστυπάλαια .Le territoire de l’île évoque les ailes d’un papillon, avec une côte très découpée, ancien repaire de pirates, qui cachés dans les abris, surprenaient les navires marchands. Fertile à l’Antiquité, elle est désormais aride et couverte de broussailles.

La grande baie de Livadhi ( Livadi ou Livadhia), au SW de l’île, accueille voiliers américain, autrichien, canadien et français. De notre mouillage, on aperçoit le kastello ou kastro. Construit au XIIIème siècle , par une famille vénitienne, qui régna sur l’île pendant 300 ans pour protéger la population des incursions pirates, il domine les maisons blanches de Hora, le principal village situé au sommet d’une colline.  Patrick descend voir si l’ancre a bien crocheté. En canoë, on rejoint la plage. Derrière la promenade du front de mer, les maisons dans les rues derrière sont délabrées. Nous nous attablons sur la terrasse en bois de l’Astropelos, café chics, à l’ombre des tamaris, buvons un citron pressé et notre coutumière tzatziki. Nous repartons avec le plus important : le mot de passe de la wifi qui  nous permet de regarder l’ultime épisode du Bureau des Légendes. On récapitule les manœuvres à effectuer en cas de chute à la mer.

On quitte notre dernière île du Dodécanèse, une des douze îles, formant un croissant le long de la côte turque d’Asie Mineure pour notre dernière Cyclade.

On lève l’ancre, Patrick à la barre, Fabienne à la baille à mouillage remonte l’ancre. Fabienne prend la barre pour se mettre face au vent, Patrick hisse la GV au winch puis file au pied de mât.

Le NAVTEX ( NAVigational TEXt messages) désigne un système d’ information maritime automatique,  et fait partie du système mondial de détresse et de sécurité en mer. A bord de l’Opale, le Navtex est un simple récepteur doublé d’un écran. Les messages Navtex sont reçus jusqu’à 300 milles nautiques. 21 zones différentes sont répertoriées. Il nous renseigne sur les alertes de navigation, de météo, les recherches et sauvetages en mer, … Sur Opale, on l’utilise  pour le bulletin météo. Mais aujourd’hui, le Navtex diffuse un message spécial à tous les navigateurs : « La mer Egée a toujours été sûre et sécurisée pour les marins. La Turquie  a utilisé le système d’alerte Navtex pour promouvoir son agenda national révisionniste concernant le statut de la mer Egée, au détriment de la sécurité des marins. Les autorités helléniques dénoncent de telles pratiques et soulignent que les garde-côtes grecs sont prêts à protéger la vie en mer, à sauvegarder la liberté de navigation  ainsi que les intérêts de la communauté maritime internationale et à faire appliquer les règles de droit en mer. »  Rumeur fondée ou pas de la propension de la Turquie à vouloir s’approprier les îles du Dodécanèse, que les Turcs ont possédées pendant près de  400 ans de 1522 à 1912 ? Ce bruit circule, le Navtex s’en fait l’écho. Suspicion et défiance avérées ou injustifiées ?

Quand on approche Nisos Anafi (Anaphe), l’ile la plus au sud est des Cyclades, par l’est, on subit des rafales à plus de 42 noeuds puis le vent redescend à 16 noeuds mais elles deviennent de plus en plus fréquentes. Nous contournons le cap puis  affalons la GV. Le cap culmine à 470 m, soit 50m plus haut que Gibraltar, il forme une montagne de pierre qui se jette brusquement dans la mer. Au sommet, des moines au XVIIe siècle y ont construit un monastère, sur les vestiges d’un sanctuaire d’Apollon. D’après la légende, Apollon a fait surgir l’île de la mer pour fournir un refuge à Jason et aux Argonautes lors d’une tempête, un mythe probablement en relation avec l’éruption de Thyra, la Santorin antique, à 19 km d’ Anafi. De fortes rafales dévalent de la colline de la Chora mais on parvient à mouiller dans la baie de Skala Anafi.  Après avoir vérifié le mouillage, on nage jusqu’à la seule plage de sable fin et ocre jaune, que l’on ait vue en Grèce. La baignade nous a un peu refroidi et on s’allonge sur le sable brûlant avant de rentrer par le même moyen de transport, nos muscles, au bateau. Le retour est plus aisé, le vent nous éloigne du rivage.

Patrick prépare la longue navigation qui va nous mener en Crête.

Dès potron-minet, nous levons l’ancre et regardons s’éloigner notre dernière île des Cyclades. Par mer calme et douce brise arrière, principalement sous ski, on s’éloigne des îles des anneaux (kukloi) qui entourent Delos, grand centre antique de culte et de commerce de la mer Egée, lieu de naissance mythique d’Apollon. Après 12 heures de  navigation agréable en mer de Kriti, tout à coup dans la brume de beau temps, émerge la Crète, sur toute sa longueur. On distingue ses montagnes et l’envie de pleurer saisit Fabienne. On en a rêvé et nous y voila, la Crète est devant nous, berceau de la civilisation. Y arriver par mer, seuls, sans avoir croisé un seul voilier depuis que l’on a quitté la mer Egée, procure des frissons de fierté. La mer de Crète nous été clémente et nous en viendrions presque à remercier les dieux si notre athéisme ne nous poussait à considérer tout ce panthéon comme une magnifique histoire à rêver debout.

Nous voudrions vous remercier pour tous les commentaires encourageants et chaleureux qui nous sont parvenus, par mail ou sur le site. Nous espérons dans ce second épisode de la saison, influence des séries dont nous sommes friands, continuer à répondre à votre attente de dépaysement maritime.    

Un lot exceptionnel pour celui ou celle qui découvre le nom des 3 plantes prises en photo !

Saison 7 Episode 1     S7E01

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Famille et amis, kalimera, καλημέρα

Depuis que l’été est arrivé, nous sentons poindre une interrogation dans vos esprits, nous concernant : mais où sont les Elbaz ? ont ils repris la mer ? mais où est leur bateau, déjà ?
Pour répondre à vos inquiétudes, mais où est passée notre modestie ? , voici de nos nouvelles
C’est à bord d’un petit coucou à hélices de 40 places  que nous avons fait le trajet d’Athènes à Léros, une île du Dodécanèse , située à 35 km de la frontière turque, et 15 miles nautiques des côtes turques. Dans le chantier Artemis Leros Boatyard, situé au nord de l’île dans la baie de Parthéni , notre voilier sur ber nous attend depuis septembre dernier. Artémis est la déesse protectrice de Léros et nombre de restaurants et hôtels portent son nom ou y font référence, ici. On survole les ruches nichées au creux des collines, on est brinquebalé mais l’atterrissage se passe sans heurt, Patrick félicite le commandant de bord.
Une voiture, réservée à l’avance, nous attend au petit aéroport. Comme le chantier est isolé, coincé entre mer et collines, cette petite Kia nous est bien pratique..D autres plaisanciers préfèrent se déplacer en quad, en cyclomoteur ou en scooter. Vu mon état de fatigue quand nous arrivons, j’en suis à mon 11ème jour de jeûne et n’absorbe que de l’eau, on a préféré louer une voiture.
Le soleil est moins chaud qu’à Paris, paradoxe du dérèglement climatique ? Le vent sur cette île est incessant mais on s’habitue à sa chanson dans les drisses et les haubans.
Après rangement du bateau, on reprend nos habitudes dans l’île qu’on a visitée de fond en comble l’an passé, ses moulins à vent rénovés, sa forteresse byzantine, le château de Pandeli,  ses églises orthodoxes blanches aux toit arrondi bleu ou brique, ses micro chapelles le long des routes, ses criques aux multiples bleus, sa route des vins, tout nous est familier. Patrick accompagne Fabienne pour faire les courses car elle est épuisée. Elle est contrainte de s’allonger toutes les 3h pendant 1/2 h avant de retourner à son ouvrage, nous préparons le bateau après l’hivernage en vue de la remise à l’eau. Nous nous baladons dans les collines, en fin de journée, autour du chantier où se trouve le bateau. Les chèvres y chantent  une autre mélodie.
Des palettes préparées à Gif sont arrivées et avec joie, nous déchargeons deux trottinettes électriques et un nouveau four, tout beau, que Patrick installe aussitôt.
Nous allons nous détendre en fin de journée à la plage de Blefoutis, à 5km de là.
Patrick s’entaille la main, ce qui lui vaut 5 strips posés par son infirmière préférée et un bandage protecteur pour qu’il puisse continuer son travail de révision du bateau.
Fabienne poursuit son jeûne. Poids, tension, pulsation sont les constantes qu’elle surveille tous les jours.
N’étant pas assez forte pour conduire, Patrick l’emmène à la plage chaque après-midi , où elle se repose et se baigne, car l’eau de mer lui  fait un bien fou et la ressource. A présent, chaque jour, elle longe la plage à la nage pendant environ 25mn d’affilée, c’est un vrai plaisir dans la baie paradisiaque de Blefoutis. Elle y écrit, y dessine même, y lit allongée sur une chaise longue disposée comme une vingtaine d’autres le long de la plage et mise à disposition , sous des parasols fixes à toit de  paille et à montant de bois. La baie est très protégée et accueille petites embarcations de pêche  et voiliers de passage, son regard est toujours attiré vers une tour isolée située tout en haut de la colline plongeant du côté opposé, dans la mer.
 Bien qu’à jeun, elle inaugure la nouvelle gazinière et cuisine pour Patrick, couleur locale, aubergines, ratatouille, carottes à l’orientale, salade de tomates, concombres et fêta, mais aussi des sablés chocolat, amandes ou nature, préférables aux biscuits industriels aux graisses trans !
Elle a perdu en 2 semaines 13% de son poids et sa tension artérielle est dangereusement descendue à 8/6, tension basse et pincée, elle décide d’arrêter son jeûne.La reprise alimentaire doit durer la moitié du temps réalisé, elle a jeûné 16 jours.
Elle épluche courgettes, oignons, poivrons, carottes, salade et champignons et en bois le bouillon après cuisson vapeur. Ce breuvage lui apporte un  goût savoureux dans la bouche et comme dans un orchestre symphonique, elle essaie de  déceler  à chaque gorgée le goût de chaque légume, ces oligo éléments lui redonnent un semblant de vitalité.
La nuit, les chèvres jouent un  vrai concert avec le son  de leur  clochette, agrémenté de leurs chevrotements, bêlements et autres façons de bégueter. Dès 6 heures du matin, leur musique est couverte  par le son du clairon, de la caserne toute proche. Dans le chantier, passe chaque matin un boulanger vendant aux plaisanciers en attente de navigation pain, feuilletés salés et sucrés, pizza. Le soir, après le dîner, soirée détente avec Le Bureau des Légendes, saison 3, ah, l’agent Malotru /  Kassovitz, on souffre avec lui !
Pour la première fois depuis 20 jours, Fabienne reprend de la nourriture solide, une purée de légumes avec lesquels elle avait fait le bouillon,  un vrai délice même si les premières bouchées sont dures à avaler. Même si sa tension est encore à 8/5 ce matin, elle pense reprendre des forces rapidement avec l’alimentation prescrite. Elle entame à présent pour 1 mois le régime cétogène qui est un complément du jeûne. Elle espère après tous ses efforts se préserver d’une nouvelle récidive et achever définitivement, si, si, ces cellules tumorales et ces métastases qui empoisonnent son corps et sa vie.
La température a progressivement monté depuis notre arrivée et se maintient à 30°C, voire 35°C, au plus chaud de la journée, tandis qu’en France, (l’ informatrice du Centre de la France est la Maman de Fabienne et celles d’Ile de France de Patrick sont les employées de Codexim) la chaleur s’est transformée en orages et la température a brutalement chuté, jusqu’à remettre en route le chauffage !
Forme et tension ont du mal à remonter mais Fabienne reconduit et va seule à la plage, accompagnée d’un cahier et de son livre du moment, Au temps du Minotaure, un roman de Thomas Burnett Swann,  sur la Crête où nous espérons accoster en juillet.
Patrick travaille activement au réarmement du bateau et à sa révision. Il ne veut prévoir aucune date de départ et avance aussi vite qu’il peut,. Il renonce même à ses baignades quotidiennes d’à peine 10 minutes pour avancer plus vite. Le matin, il travaille pour sa société et l’après-midi se consacre au voilier.
Côté technique,
un nouveau radeau de survie a été livré au chantier, notre projet de circumnavigation nécessite une révision régulière du matériel de survie. L’ancien est récupéré par des employés du chantier.
Patrick a installé une pompe de secours de très gros débit, en cas de voie d’eau.
 Cette année, on a opté pour une antenne wifi omnidirectionnelle, le wifi est amplifié et diffuse dans tout le bateau. Finies les galères de réseau, si un réseau existe près de notre mouillage ou au port, on le capte et on l’amplifie à tout le bateau, à nous Internet, même au mouillage.
Un micro pour la BLU (Bande Latérale Unique utilisée pour les liaisons de téléphonie, de haute et moyenne fréquence  dans le domaine maritime, militaire, de l’’aviation ou radioamateur) a été installé en lieu et place du vieux combiné en bakélite qui ressemblait à celui de ma grand-mère.
Le cordon spiralé du micro de la VHF, qui nous sert à appeler les autorités portuaires à notre arrivée dans les ports, a été réparé.
Patrick s’est attaqué au moteur, il a changé les filtres de gasoil et d’huile, le préfiltre qui sert à séparer l’eau du gasoil, a installé un second filtre à eau de mer pour augmenter la capacité de filtrage de l’eau de mer nécessaire au refroidissement du moteur. Il a vidangé l’inverseur, la boîte de vitesse du moteur et nettoyé et contrôlé les connecteurs électriques du moteur. Le test moteur à l’issue de cette révision a réussi. Patrick n’est pas un bricoleur mais plutôt un ingénieur multidisciplinaire.
Les 47 vis du hublot fixe du roof qui fuyait ont été changées, Patrick met la colle, Fabienne dispose les vis, le travail conjoint doit être rapide avant que la colle ne prenne.
Le vérin hydraulique du pilote automatique a été remplacé car comme tous les grands navigateurs, on ne ne barre pratiquement jamais, la barre est une bonne thérapie pour ceux qui ont le mal de mer.
Enfin, il a vérifié la mise en place , en prévision des longues traversées, du système de sécurité en cas d’homme à la mer, la situation de la perche, la bouée en U et le feu à éclat.
Bien sûr, il contrôle également les travaux exécutés par le chantier (antifouling notamment,  peinture antisalissure  contenant des biocides destinée à empêcher les organismes aquatiques de se fixer sur la coque des navires ), c’est aussi le rôle du Cap’tain .
Comme en navigation, tandis que Patrick est aux manoeuvres, Fabienne choisit les destinations de mouillage et d’escale. Elle potasse guides de navigation nautiques et guides touristiques et en extrait la substantifique moelle.
Tandis que Fabienne écrit le matin, les chèvres continuent leur chevrotement et font tinter leur clochette, la température est uniforme à 32°C, mais supportable car  la chaleur fait partie du paysage et de la culture hellénique.
Nous sommes environnés de hautes collines arides où alternent oliviers et thym en fleur. Les habitants circulent pour la plupart en 2 roues motorisées, sans casque et à vitesse raisonnable car les routes serpentent, encadrées par des maisons disparates aux jardins fleuris de bignones, bougainvillées, hibiscus et bordés de lauriers rouges, blancs et roses.On y a même vu un albizia, cet arbre à soie ou mimosa de Constantinople qui parsème son feuillage d’acacia de plumes roses. De petites boutiques s’égrennent le long des voies cahoteuses, vendant qui des matelas, qui des tapis, qui des légumes, qui pain et fromage mais aussi un centre multimédia. Patrick se demande comment ils font pour vivre. Leurs boutiques viennent de leurs parents, pour la plupart, sans loyer à payer, ils continuent leur activité, sans richesse mais sans grand tracas. Tout de même, on trouve aussi quelques  supermarchés sur l’ile qui vendent aussi de la quincaillerie.
La proximité de la Turquie a suscité la mise en place d’un camp de réfugiés, régi par la Croix Rouge Internationale, on reconnaît ces réfugiés lorsqu’ils sont accompagnés de leur femme voilée, signe extérieur de reconnaissance car les hommes sont habillés à l’européenne. En Asie Mineure, Grecs et Turcs se ressemblent et devraient être frères, tout comme les Proche et Moyen Orientaux qui doivent fuir leur pays pour survivre.
Il est vrai que la diaspora hellénique est elle aussi considérable en comparaison de la population d’environ 10 millions d’habitants. Les Grecs sont près de 6,5 millions dans le monde et principalement aux Etats Unis, (Chicago est la 3ème ville grecque du monde après Athènes et Salonique). Ils ont une longue tradition d’immigration.
Ici, les terrains à vendre pullulent, mais que faire d’un maquis escarpé, sans eau, sans électricité, sur une île pas même engluée par le tourisme. Ces îles du Dodécanèse sont plus sauvages et moins touristiques que les Cyclades, seuls y viennent quelques Grecs athéniens ou des Italiens qui au temps de leur occupation coloniale, de 1912 à 1948, y avaient acquis une maison et qui par habitude y reviennent même s’ils ne possèdent plus les palais que leurs aïeux avaient fait construire. Léros était une base navale italienne. Cette île fut en effet choisie pour son importance stratégique et sa géomorphologie car elle présente de nombreuses baies naturelles bien protégées. Maintenant, c’est une halte appréciée des voileux. Le vent y est moins violent que dans les  Cyclades, ces îles devenues artificielles, peuplées uniquement l’été, où la moindre petite chambre affiche la pancarte ενοίκιο / for rent ! Certaines îles ont été si asséchées par l’affluence touristique que depuis les années 60, elles ont été désertées par la population qui ne revient que l’été pour accueillir les touristes, en mal d’authenticité et où l’eau est apportée par bateau-citerne ! Est ce ainsi que les hommes vivent ? pour reprendre Aragon.
Sur notre voilier, nous essayons d’être autonomes mais malgré tout, pour y accueillir nos enfants, n’hésitons pas à utiliser tout ce que la technologie permet et avec grande joie en plus. Nous sommes pétris de paradoxes. Dilemme entre rassembler autour de nous notre clan à bord de notre voilier et défendre nos valeurs écologiques, en polluant le moins possible à bord mais en  invitant nos enfants à nous rejoindre en avion. Primauté de la famille !
Vos commentaires sont les bienvenus !